Le procès en appel de l’agent pénitentiaire jugé pour détention de matériel pédopornographique a eu lieu vendredi. Dans son réquisitoire, le parquet général n’a pas demandé la confirmation des six mois de prison avec sursis.
À cause de 121 images à caractère pédopornographique découvertes sur son matériel informatique, l’homme de 49 ans avait été condamné en mars dernier en première instance par la 7e chambre correctionnelle à six mois de prison avec sursis et une amende de 1 000 euros. Si le prévenu avait contesté les avoir sciemment recherchées, pour le parquet, vu leur classement, il avait forcément dû les regarder pour les sauvegarder. Et ce n’est pas «par inadvertance» qu’elles auraient atterri sur son ordinateur.
À la barre de la Cour d’appel vendredi matin, le prévenu a de nouveau fermement défendu sa position : «Je ne peux pas être d’accord avec un jugement qui me condamne pour quelque chose que je n’ai pas fait. J’aime les enfants comme toute autre personne. Cela me met en colère si on me dit que j’ai téléchargé ces cochonneries sciemment.» Sur une partie des images, les filles étaient âgées de 5 à 12 ans, sur d’autres, elles avaient entre 12 et 16 ans. Et un fichier, par exemple, était intitulé explicitement «ado aux seins nus sur la plage». «Être accusé d’une telle chose quand on a 50 ans, cela vous achève», dira encore le prévenu. «Je n’ai pas recherché ni enregistré ou consommé ces photos.»
L’époque avant son abo Netflix et le bouquet Sky
La présence des images pédopornographiques sur son ordinateur et ses disques durs a une explication indépendante de sa volonté selon lui. Avant qu’il ne prenne un abonnement sur Netflix et un bouquet Sky avec Post il y a une bonne dizaine d’années, il avait l’habitude de télécharger des films à partir de bourses d’échange. «Et il arrivait régulièrement que je reçoive autre chose que ce sur quoi j’avais cliqué.» Mais il aurait pris le soin d’effacer ces fichiers indésirables.
Et effectivement, sur le matériel saisi par la police judiciaire, le 20 avril 2018 à son domicile, la majorité des images litigieuses (74 des 121) avaient été effacées. Il a fallu l’intervention de la section Nouvelles Technologies pour en rétablir le contenu. En résumé, seules 47 images pédopornographiques n’étaient pas effacées.
«L’infraction qu’on lui reproche n’exige pas seulement l’élément matériel, il faut aussi la preuve de l’élément moral qu’il a sciemment recherché et consulté ces images», a rappelé Me Roby Schons. Plaidant l’acquittement de son client, l’avocat a soulevé le fait que l’enquête n’a pas permis pas de retracer la date de téléchargement ou de consultation des images effacées. «Les spéculations de l’enquêteur ne nous intéressent pas en matière pénale.» La défense soulèvera aussi l’absence de vidéo pédopornographique parmi les plus de 37 000 films saisis.
L’indice des trois dossiers
«Je ne peux pas prouver à votre Cour quand ces 74 images effacées ont été regardées. On ne le sait pas», concèdera le premier avocat général Simone Flammang dans son réquisitoire. En revanche, il y aurait des indices pour l’élément moral. Car les 47 photos qui n’étaient pas effacées étaient sauvegardées dans trois dossiers. «S’il y a un tri, il y a un acte volontaire.» C’est d’ailleurs ce qu’ont retenu les premiers juges. Cependant le parquet général ne partage pas le raisonnement qui les a conduits à condamner le prévenu pour la détention des 121 photos. «Peut-être les 74 photos effacées ont-elles été supprimées avant la période de prescription. Je ne peux le prouver.»
«Si le tri ne vous convainc pas, il ne reste qu’à constater que l’élément moral n’est pas suffisamment établi», dira encore la représentante du parquet général. Et d’ajouter : «Ce qui me fait pencher dans cette direction, c’est le petit nombre de photos par rapport à d’autres dossiers où on compte des photos par milliers. Ici, sur un total de 121 photos, il en reste 47. Ce n’est donc pas un homme qui visualise au quotidien ce genre de matériel.»
Vers une simple amende?
Dans la foulée, elle envisagera une autre voie d’issue pour ce procès. «Si vous confirmez l’infraction, je me demande si une simple amende ne suffit pas.» Selon la représentante du parquet général, l’absence de casier judiciaire du prévenu devrait être prise en considération. Pour ce qui concerne une éventuelle interdiction d’exercer une activité professionnelle, bénévole ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs, elle se rapporte à sagesse.
C’est de manière atypique que cette affaire avait éclaté. Le prévenu, qui travaille comme agent pénitentiaire, s’est retrouvé dans le viseur de la section protection de la jeunesse de la police judiciaire en 2017 à la suite de la déclaration d’un détenu à Schrassig. Ce dernier avait laissé entendre que l’agent procurait et vendait du matériel pédopornographique sur clé USB pour 500 euros. De grands moyens d’investigation avaient été déployés : observations, écoutes et analyse des flux financiers sur ses comptes. «Tout cela n’a pas permis d’expliquer les suspicions», a récapitulé la représentante du parquet général, vendredi.
Le volet «corruption passive», qui n’avait pas été retenu par la chambre du conseil, ne fait donc pas l’objet du procès. Ce qui reste au final, c’est le résultat de la perquisition. Et sur ce matériel, la Cour d’appel doit désormais trancher. Elle rendra son arrêt le 20 octobre.
Fabienne Armborst