Depuis mardi, une femme de 36 ans comparaissait devant la chambre criminelle pour avoir tué son père de 81 ans en 2015, à son domicile à Luxembourg-Merl. Le parquet a demandé au tribunal de retenir la qualification du parricide et a requis 30 ans de réclusion.
Le 27 février 2015, vers 1h30, la trentenaire abordait une patrouille de police au niveau du rond-point Gluck et informait les agents qu’elle venait de tuer son père avec un couteau à la suite d’une dispute. Dans son sac, les policiers retrouvaient un couteau ensanglanté.
À la barre de la chambre criminelle, la prévenue placée actuellement au Centre hospitalier neuropsychiatrique (CHNP) à Ettelbruck a toutefois contesté être l’auteur des faits et émis l’hypothèse que son père avait pu se suicider.
La victime avait été retrouvée étendue sur son lit avec plusieurs blessures au niveau du cou. Le rapport d’autopsie retient que l’octogénaire est décédé de quatre blessures. Le père a visiblement été poignardé en plein sommeil. Plusieurs indices font affirmer cela à l’enquêteur de la police judiciaire entendu mercredi. Ainsi la victime avait déposé sa veste proprement à côté de son lit, et avant de se coucher, elle avait correctement pris ses médicaments que lui avait préparés son épouse. «On n’a pas l’impression que sur le lieu du crime il y a eu une dispute», conclut-il.
D’après l’enquêteur, la première audition de la prévenue s’était avérée assez difficile : «Elle était relativement désorientée et nerveuse.» Elle avait dit qu’elle avait honte de ce qu’elle avait fait, mais son audition avait été entrecoupée de nombreux blocages. En outre, la trentenaire avait-elle refusé qu’on lui fasse une prise de sang.
«Pas un seul coup de couteau, mais quatre»
Au moment du drame, la mère de la prévenue se trouvait à Paris pour préparer la vente d’un appartement. «Je devais rester trois jours à Paris. Mais j’étais inquiète avant de partir. Car Julia passait de très mauvais moments depuis un mois», a-t-elle témoigné, mercredi. Comme explication, la mère livre l’arrêt brutal de la prise d’un médicament au mois de janvier 2015. Deux à trois jours avant les faits, sa fille aurait aussi eu une attaque de panique.
«Le soir, je me suis disputée au téléphone avec elle au sujet de l’appartement qu’on devait vendre. Elle ne voulait plus qu’on le vende», se souvient encore la mère. Elle précise que quelques jours avant son départ, elle avait abordé le sujet de la tutelle. Sujet qui avait également été abordé lors de la discussion : «Elle avait peur de cette maudite tutelle qu’elle ne connaissait pas.» La mère certifie que sa fille n’avait jamais été physiquement agressive avec son père dans le passé. Interrogée sur le couteau retrouvé dans le sac de sa fille, elle indique : «Elle était toujours armée jusqu’aux dents pour se tuer.»
Dans son réquisitoire, le substitut Manon Wies a demandé à la chambre criminelle d’apprécier uniquement les déclarations que la prévenue a faites le jour des faits. Le parquet demande de retenir la qualification du parricide. «La victime ne présentait pas de blessures de défense. Il n’y a pas eu un seul coup de couteau. Il y en a eu quatre différents. Le parquet est d’avis que vu l’arme employée et les blessures infligées, le geste était réfléchi.»
Les deux médecins étaient d’accord pour dire que la prévenue souffre de schizophrénie paranoïde et du syndrome d’Asperger. Aucun des experts n’a toutefois pu se prononcer sur l’état de la prévenue au moment des faits. «La seule certitude, c’est qu’elle présentait une grave altération de son discernement. Le point d’interrogation qui reste est : est-ce qu’il y a eu abolition de son discernement», récapitule Manon Wies. Le parquet a fini par requérir trente ans de réclusion contre la prévenue. Il est toutefois d’accord pour que la trentenaire soit placée en psychiatrie.
Son avocat demande à la chambre criminelle de conclure que la prévenue ne peut pas être tenue responsable des faits qu’elle a commis. Selon lui, sa cliente est atteinte d’un trouble mental et n’a pas sa place en prison.
Prononcé le 26 mai.
Fabienne Armborst