Il a pris la vie de son épouse Elvira le 17 janvier 2016 à Fameck. Sudan Adrovic risque de passer la sienne enfermé à perpétuité. Il n’aurait pas frappé la victime pour la punir, mais pour récupérer ses enfants.
La justice a rassemblé la famille Adrovic mardi, mais la réunion est pénible. Parce qu’il y a plus chaleureux que les assises de la Moselle pour se retrouver; parce qu’il est lourd pour les cinq enfants de Sudan Adrovic, 50 ans aujourd’hui, de s’asseoir dans le carré de la partie civile juste en face de leur père retenu dans le box; parce qu’il est accusé d’avoir tué leur mère d’une dizaine de coups de cette lame façon modèle de chasse.
« Je reconnais le meurtre, mais je ne reconnais pas avoir pris le couteau pour la tuer. Je voulais qu’elle me donne les enfants », déclare Sudan au président Faltot, qui cherche à comprendre cette dramatique contradiction. Chez les gamins, nés entre 2002 et 2006, ce paradoxe ne colle pas avec les images des coups et/ou de la victime morte sur le sol de leur appartement qu’ils ont tous en mémoire.
L’accusé les voit comme un enjeu dans ce couple moribond qu’il formait avec Elvira, sa cadette de 10 ans épousée en 2001, trois mois après quelques rencontres. En France, elle avait rencontré un homme, partagé ses nuits avec quelques autres et se prostituait, selon Sudan. Rien d’exemplaire pour ses trois filles et deux fils qu’ils voulaient ramener au Monténégro, la terre familiale. Un pays qu’Elvira a voulu quitter après 15 ans d’union pour laisser à distance l’alcool et la violence de son mari. Les enfants l’évoquent aussi.
Partie en France, tuée à Fameck
Me Amadou Cissé se lève pour afficher le casier vierge de son client et opposer la condamnation de la victime par la justice monténégrine dans une affaire de violence. Une femme dont l’accusé n’aurait peut-être pas supporté qu’elle le berne en 2013, en lui faisant croire qu’elle quittait la maison pour la Serbie alors qu’elle arrivait finalement en France où elle voyait l’avenir plus gai.
Mais le rose espéré a commencé sur le bitume du camp de réfugiés de Blida avant un relogement en hôtel puis en appartement à Fameck. Là où elle a trouvé la mort et où Sudan, expulsé deux fois du territoire, venait souvent quand il n’était pas dans son foyer.
« Papa venait à la maison pour tuer maman », dit une de ses filles. Elle aurait préféré que ses parents divorcent. Peut-être parlerait-elle encore à son père auquel, comme sa fratrie, elle n’a plus rien à dire et qu’elle ne veut plus voir.
Sudan ne comprend pas. Il a tout fait pour ses enfants. C’est pour eux qu’il regrette d’avoir tué leur mère, dit-il sans émotion ou si peu. Il est rigide, « sans vibration émotionnelle au moment de l’évocation des faits », dit de lui l’expert psychologue. L’accusé est aussi déconcertant pour sa défense. « Je n’ai jamais été violent », soutient Sudan Adrovic. S’il est dans le box, c’est dû au comportement de son épouse.
Frédéric Clausse/RL