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Non-représentation d’enfant : une mère face au juge


Le parquet requiert une amende conséquente et 18 mois de prison assortis d'un sursis probatoire avec l'obligation que la mère se conforme à l'arrêt de 2011. (Photo : archives lq/Isabella Finzi)

Depuis septembre 2018, le père se voit refuser son droit de visite. La mère poursuivie pour non-représentation de l’enfant, âgé aujourd’hui de 12 ans, se défend. Elle dit avoir ses raisons…

« Dans cette affaire, c’est un peu le bon sens qui manque…» Le temps d’une matinée, une mère (40 ans) et un père (43 ans) étaient réunis devant le juge. Ils ont un enfant en commun. Mais cela fait des années qu’ils ne vivent plus ensemble. Une décision judiciaire de 2011 fixe le droit de visite et d’hébergement une semaine sur deux. Jusque-là, tout va bien. Du moins, aucun incident dans ce sens n’est signalé. Jusqu’au 23 septembre 2018. C’est le jour où tout déraille.

Le fils en visite chez son père annonce ne plus vouloir aller à la maison relais le midi et suivre les cours de solfège. Il appelle sa mère. S’en suit une altercation entre les parents. La police intervient aussi. Depuis, les ponts sont littéralement coupés. Le père n’a plus aucun contact avec son fils. Près d’un an et demi que cela dure. «Pas de fête, pas d’anniversaire ensemble. Je ne sais même pas où il est scolarisé aujourd’hui», déplore le quadragénaire. «J’attends toujours mon fils.»

Une première condamnation en 2019

Régulièrement, le vendredi soir, il se rend à la frontière française au domicile où l’enfant réside avec sa mère. Il sonne à la porte, téléphone. Mais aucune réaction… Cela n’a pas changé avec la condamnation en appel de la mère en juillet 2019. Elle continue à ne pas respecter la fameuse décision de 2011. Le père se voit refuser son droit de visite une semaine sur deux. D’où ses plaintes pour non-représentation d’enfant. Les huit faits dont est saisie aujourd’hui la 13e chambre correctionnelle remontent d’août à début décembre 2019.

En réformant le jugement de première instance l’ayant condamnée à six mois de prison avec sursis et une amende, la Cour d’appel avait accordé une suspension du prononcé à la mère. «Une grande faveur», comme n’a pas manqué de lui indiquer la présidente, vendredi matin. «Donc vous auriez tout intérêt à vous y tenir…»

«C’est ma mission de le protéger….»

Mais la mère a ses raisons de ne pas vouloir «laisser le fils aller chez son père». «C’est ma mission de le protéger», clame-t- elle. «Le 23 septembre a été l’élément déclencheur de tout.» C’est là qu’elle aurait vu la première fois le père en venir aux mains. Aujourd’hui, l’enfant aurait peur. Elle raconte qu’il a dû passer sur le tapis de course avant d’avoir le droit de manger, des deux fleurettes de brocolis servis dans son assiette où la tartine beurrée que la maîtresse aurait été obligée de lui donner… La liste des reproches visant le père est longue.

«Pleurer ne sert à rien ici!», l’interrompra finalement la présidente. Ce que le tribunal constate : l’arrêt de 2011 est toujours en vigueur. Et jamais aucune plainte ou requête devant le juge de la jeunesse. Tout ce qu’il y a eu, c’est une plainte avec constitution de partie civile pour violences à l’égard de l’enfant en juin 2019. Mais c’était la veille du procès en appel… Une manoeuvre dilatoire pour soustraire le plus longtemps possible l’enfant à son père, estime le parquet. Il y a aussi une affaire devant le juge aux affaires familiales (JAF) du tribunal de Briey (France). Mais là, aucune décision est intervenue pour l’instant.

« J’attendrai mon fils ce soir… »

«Elle a le choix d’être poursuivie pour non représentation d’enfant ou non-assistance à personne en danger», récapitule Me Daniel Schwarz. Selon la défense, la mère agit en «état de nécessité », par conséquent elle serait à acquitter. L’avocat suggère que le père aurait bien pu aller chercher l’enfant à la sortie de l’école… «J’aimerais entendre les solutions du parquet», lancera-t-il à la substitut. Cette dernière ne s’est pas fait prier deux fois. Pour oeuvrer en faveur d’une reprise de contact, la mère aurait notamment pu demander une aide professionnelle, par exemple à l’Office national de l’enfance (ONE). «Les huit faits de non-représentation sont d’une simplicité extraordinaire », estime la parquetière. Si une procédure est actuellement lancée à Briey, il n’empêche que pour le moment la seule décision de justice est celle de 2011. «C’est ce qu’il faut considérer en appréciant les faits.» Elle réclamera une amende conséquente et 18 mois de prison assortis d’un sursis probatoire avec l’obligation qu’elle se conforme à l’arrêt de 2011.

Assisté de Me Jessica Pacheco, le père s’est constitué partie civile. Pour l’absence de contact avec son fils, il réclame 5 000 euros au titre du préjudice moral. «J’attendrai mon fils ce soir, comme chaque deuxième vendredi, comme cela est prévu dans la décision», a-t-il fait entendre depuis le fond de la salle d’audience.

Le tribunal rendra son jugement le 5 février.

Fabienne Armborst

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