Accueil | Police-Justice | Morte étranglée à Schifflange : 30 ans requis contre le conjoint

Morte étranglée à Schifflange : 30 ans requis contre le conjoint


Le prévenu avait étranglé la victime dans sa chambre dans cette résidence du Fonds du logement à Schifflange. (Photo : Fabienne Armborst)

Fin juin 2018, une quadragénaire était morte étranglée par son conjoint dans son logement social à Schifflange au terme d’une violente dispute. Vendredi, c’était l’heure du réquisitoire. «Le coupable, c’est moi», a insisté le prévenu avant de quitter la salle, menotté sous escorte policière

«Là où une personne normale aurait décidé de partir, il est resté. Sa colère, sa rancune, sa frustration, il les a déchargées sur sa compagne, entraînant les conséquences que nous connaissons.» Le 30 juin 2018 au petit matin, la femme de 45 ans est morte étranglée par son conjoint dans son logement social à Schifflange. Dans son réquisitoire, le représentant du parquet a, par ailleurs, parlé d’un homme qui se «focalise sur ses propres blessures d’amour propre».

Il en a fallu de la patience à la 13e chambre criminelle, vendredi matin, pour essayer de comprendre comment on en est arrivé à ce «malheureux jour». C’est ainsi que le prévenu, Luís, 41 ans aujourd’hui, évoquera pour la première fois à la barre les faits desquels il doit répondre. Pas toujours facile d’y voir clair dans son récit de la relation qu’il menait avec cette femme. Tous deux s’étaient rencontrés en mai 2016 en allant fumer une cigarette devant la porte de l’hôpital du CHEM.

Tout ça pour une salade?

Quand il avait emménagé chez elle à Schifflange, il y avait eu quelques frictions avec sa fille adolescente. Il y avait également la fête de Noël 2017 qui avait mal tourné à cause des figurines sur un gâteau qu’il avait osé déplacer… Mais pas un mot sur les insultes et les scènes de dénigrement telles qu’elles figurent au dossier. «À part une dispute à cause d’une salade qu’il n’y avait plus dans les rayons du supermarché…, on n’a pas entendu grand-chose», finira par constater la présidente.

À entendre le prévenu, c’est début 2018 que leur relation se serait dégradée. C’est aussi l’époque où il avait été hospitalisé à cause de son épilepsie. «Pourquoi n’avez-vous pas pris votre valise et êtes parti, si c’était tellement insoutenable?» Durant de longues minutes, la chambre criminelle tentera d’obtenir une explication à cette question. «Si vous étiez parti, Madame n’aurait pas été étranglée…» Mais entre sa volonté de déménager – il assure avoir entrepris les démarches nécessaires – et celle de sauver leur relation, on en était arrivé au fameux 30 juin 2018. Le jour de la dispute fatale.

«J’ai mis ma main gauche derrière sa tête et ma main droite sur sa bouche pour qu’elle arrête de parler… C’était comme un vertige. Je sais que je suis tombé. Ensuite, je ne me rappelle plus de rien.» Quelques sanglots et soupirs accompagnent ses souvenirs. Pour le reste, le prévenu se mure dans son silence. Il évoque un trou de mémoire après avoir pris la victime par la gorge. Pour cette amnésie, les médecins n’ont toutefois pas d’explication.

«Pour étrangler quelqu’un, il faut exercer une certaine force», tentera de le relancer la présidente.

– «Je ne sais pas.

– Ou vous ne voulez pas savoir…»

«C’est le réflexe que j’ai eu», dira-t-il encore.

«Il ne voulait pas faire ce qu’il a fait. Il a perdu le contrôle», plaidera Me Suzy Gomes Matos. Soulevant qu’il s’est dénoncé en allant chercher de l’aide dans la rue après le drame, l’avocate a sollicité la clémence du tribunal pour qu’il lui accorde un large sursis probatoire avec l’obligation de se soumettre à un traitement.

«J’ai enlevé plus qu’une mère à cette princesse»

Si la défense demande de retenir l’infraction des «coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner», le parquet partage un autre point de vue : «Pour un étranglement provoquant l’asphyxie, il faut exercer une pression pendant un certain laps de temps.» Une preuve que le prévenu avait bien l’intention de donner la mort. C’est donc le «meurtre», puni par la réclusion à vie, qu’il faudrait retenir. L’expert a constaté qu’il était en pleine possession de ses moyens. En raison de ses aveux pouvant être considérés comme circonstance atténuante, le parquet réclamera au final 30 ans de réclusion.

Le parquetier ne manquera pas de soulever qu’après le drame, le prévenu s’est davantage apitoyé sur sa situation que sur celle de la victime. Or en tuant sa partenaire, il a aussi privé l’adolescente de sa mère. Et d’insister : «C’est quelqu’un qui trouve un certain réconfort dans le fait que la fille n’occupe plus le rôle de princesse.»

«Le coupable, c’est moi»

Au bout des deux jours de débats, Luís finira par jeter un regard vers l’arrière de la salle où la fille avait pris place : «J’ai enlevé plus qu’une mère à cette princesse.Je sais que cela ne sert à rien de te demander des excuses…» «Le coupable, c’est moi et personne d’autre», insistera-t-il une dernière fois avant de quitter la salle menotté sous escorte policière. Depuis son arrestation, il dort à Schrassig.

Prononcé le 2 avril.

Fabienne Armborst

À lire également :

Morte étranglée à Schifflange : «Il voulait qu’elle se taise»