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Un Luxembourgeois « torturé » en Algérie


Ayant la double nationalité algérienne et luxembourgeoise, Medjdoub Chani est retenu illégalement depuis 2009 en Algérie, où il a été torturé. Il est le «fusible fabriqué» d’une vaste affaire de corruption, affirment ses proches. Ces derniers se mobilisent, alors que le procès s’ouvre dimanche à Alger.

«Je n’ai pas vu mon père depuis le 16 septembre 2009. Je ne peux pas non plus lui parler au téléphone, on s’envoie des lettres, qui sont filtrées. Il me demande des nouvelles pour mes études, ma vie… Nous, on lui demande comment ça va, on sait qu’il souffre. Mais il reste combatif», assure Redwane.

Ce Luxembourgeois de 27 ans est le fils aîné de Medjdoub Chani. Hier, ce jeune homme ainsi que sa mère et les membres de l’ASBL Soutien à Chani étaient présents à Luxembourg pour défendre «Med» Chani. «Des gens qui sont là par amitié, par solidarité et par amour de la justice», explique Redwane.

Med Chani est né le 5 janvier 1952 à Aïn Sefra, en Algérie. En 1984, il épouse la Luxembourgeoise Margy Pesch, alors enseignante à l’université d’Oran. En 1988, face à la menace croissante des islamistes, ils quittent l’Algérie et s’installent avec leurs deux enfants au Luxembourg.

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«Chani était juriste et comptable, et très travailleur. Il a suivi des cours de marketing et de finance, et il a pu s’installer comme conseiller financier et de fiduciaire à Luxembourg, et exercer cette profession pendant 25 ans», explique la présidente de l’ASBL, Elly Bens, une amie de longue date du couple Chani.

Dans les années 2000, Med crée une franchise de la société suédoise Oriflamme pour distribuer des produits de beauté en Algérie. L’affaire se corse lorsqu’en 2006, fort de ses contacts en Algérie et de son expertise, il est engagé par la société chinoise Citic Group en tant que consultant pour la construction de l’autoroute Est-Ouest qui traverse aujourd’hui l’Algérie sur un millier de kilomètres. Il faut savoir que ce projet colossal fut l’un des marchés les plus coûteux en Afrique (près de 13 milliards de dollars). Et il fut entaché d’affaires de commissions et de pots-de vin-tout aussi conséquents.

Plaidoyer pour un procès équitable

Tout bascule le 17 septembre 2009. Med, qui se rend en Algérie pour voir sa mère, est arrêté à Alger par le Département algérien du renseignement. Durant 20 jours, il va être séquestré et interrogé jour et nuit, privé de sommeil et de nourriture et victime de tortures physiques et psychologiques. «Ils l’ont torturé, brisé. Mais ils n’ont pu le contraindre à des aveux que lorsqu’il a vu qu’on torturait dans la pièce à côté son neveu, qu’il avait engagé dans Oriflamme», affirme l’avocate française Amélie Lefebvre, du cabinet Bourdon&Forestier, qui défend Med avec l’avocat luxembourgeois Philippe Penning.

Avec ces «aveux» arrachés sous la torture, sans aucune valeur donc, Med est accusé de trafic d’influence, de corruption, de blanchiment et d’association de malfaiteurs, et risque jusqu’à 20 ans de prison ferme. Autant dire une condamnation à mort pour cet homme de 63 ans.

«Cette arrestation fut sans motif, illégale et suivie d’actes de torture, insiste Me Lefebvre. Il n’y a aucune preuve matérielle justifiant ces accusations dans ce dossier qui a été entaché de multiples irrégularités.Cette affaire est un cas d’instrumentalisation de la lutte contre la corruption. Med est un fusible qu’on a fait sauter pour laisser courir les vrais responsables.»

Dimanche s’ouvre le procès de l’affaire de l’autoroute Est-Ouest, dont le principal accusé est Med Chani. Ses avocats réclament la tenue d’un procès équitable et impartial. Me Lefebvre demande aussi aux autorités luxembourgeoises qu’elles fassent le nécessaire «pour contraindre les autorités algériennes à respecter leurs obligations et les conventions internationales».

Or, déplorent les proches de Med, le Luxembourg n’a pour l’heure pas fait preuve d’un grand soutien à sa cause. «On reste combatifs sur tous les fronts, conclut Me Lefebvre. Mais nous restons perplexes quant au zèle avec lequel les autorités luxembourgeoises ont répondu à toutes les demandes de l’Algérie» qui, de son côté, n’a pas montré le même empressement à répondre aux demandes du Grand-Duché.

Une pétition de soutien à Med Chani, disponible via le site de l’ASBL, a déjà récolté 820 signatures.

Romain Van Dyck


Jean Asselborn réagit

Vendredi, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a accepté de réagir aux propos du comité de soutien à Med Chani, qui reproche au gouvernement de ne pas l’avoir suffisamment soutenu. «Je suis un peu surpris par ces critiques, nous répond-t-il. On a deux fois appuyé les demandes d’entraides judiciaires. Je suis intervenu deux fois auprès du ministre algérien des Affaires étrangères, je lui ai remis le dossier, et il m’a promis qu’il allait s’en occuper.»

Plus d’informations dans Le Quotidien papier de ce samedi 18 avril.

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