Le fonctionnaire qui avait asséné des coups de poing à un collègue au Limpertsberg fin 2016 a été condamné, jeudi après-midi, à trois ans de prison. La moitié de la peine est assortie du sursis.
«La société a besoin d’un signe qui dit que ce qui s’est passé doit être sanctionné», avait estimé le procureur d’État adjoint David Lentz. Dans son réquisitoire, il avait soulevé l’extrême violence et la gratuité des coups portés cette nuit du 12 au 13 novembre 2016 dans une discothèque, rue de la Faïencerie au Limpertsberg.
En l’espace de quelques secondes, Arno P., âgé alors de 25 ans, avait roué de coups de poing un collègue policier. Tous deux n’étaient pas en service, ils passaient la soirée entre amis. Chacun de leur côté. Et ils ne se seraient certainement pas remarqués, si le premier n’avait pas vu son ex en compagnie du second…
À part le fait d’avoir tiré par le bras sa copine pour quitter précipitamment les lieux, ce dernier ne se souvient plus de grand-chose. Tout est allé très vite. Frappé par des coups de poing au visage, il a terminé au sol… puis à l’hôpital. Hématomes, fracture du plancher orbitaire… les séquelles étaient importantes.
Lors de l’ouverture du procès à l’automne 2019 – trois ans après les faits –, la victime, âgée alors de 33 ans et assignée au travail de bureau dans la police, avait expliqué voir double avec son œil droit, sur 60 à 80 cm. «On m’a refait le canal lacrymonasal…», avait-elle ajouté.
Pour le parquet, une partie de prison ferme s’imposait. En raison de l’«agressivité» d’Arno P. et des «conséquences gravissimes de son acte». Les images vidéo ne faisaient planer aucun doute sur ces six à sept coups au visage. Des coups qui avaient pris fin lorsque d’autres clients et un vigile étaient intervenus.
Les coups et la «maladie paraissant incurable»
Il a fallu patienter pour connaître la peine infligée par le tribunal pour ces «coups et blessures volontaires». La 13e chambre correctionnelle devait initialement se prononcer le 10 octobre 2019. Mais en cours de délibéré, elle a décidé d’ordonner une expertise complémentaire. Cette dernière devait déterminer si les coups ont causé une «maladie paraissant incurable» ou une «incapacité de travail permanente».
Cette expertise avec un médecin légiste a pris un certain temps. Les résultats ont en fin de compte pu être débattus mi-février 2021 à l’audience. Ce qui fait que la continuation du jugement intervient plus de quatre ans après les faits. Les juges ont d’ailleurs retenu le dépassement du délai raisonnable invoqué par la défense.
Jeudi après-midi, Arno P., âgé aujourd’hui de 30 ans, a donc été condamné à 36 mois de prison, dont 18 avec sursis, et une amende de 1 500 euros. Les juges sont restés légèrement en dessous des réquisitions du parquet. Trois ans et demi de prison avaient été demandés contre le policier suspendu qui a passé deux mois en détention préventive.
Au vu des résultats de l’expertise, c’est la circonstance aggravante de la «maladie paraissant incurable» qui a été retenue, a-t-on appris à la lecture du prononcé. Pour chiffrer le préjudice de la victime, une expertise avec un médecin spécialiste en ophtalmologie est ordonnée. En attendant, Arno P. doit verser à la partie civile 5 000 euros à titre de provision ainsi qu’une indemnité de procédure de 1 000 euros.
Une peine qui l’écarte de la fonction publique
Le prévenu était non seulement poursuivi pour les coups et blessures volontaires, mais également pour harcèlement obsessionnel sur son ex. «Avec tous les SMS, on remplit un classeur A4!» La jeune femme de 33 ans, qui s’était constituée partie civile lors du procès, se voit allouer 1 200 euros au titre du préjudice moral et 500 euros pour le choc émotif. À cela s’ajoute une indemnité de procédure de 1 000 euros.
Depuis les faits, le policier est suspendu. Entretemps, il y a aussi eu une procédure disciplinaire d’entamée. Avec la peine prononcée hier, sa carrière devrait encaisser un autre coup. Le fait d’être condamné à plus d’un an de prison ferme ne permet en effet pas de garder le statut de policier. C’est également la fin de la possibilité de travailler dans la fonction publique. Mais le jugement n’a pas encore acquis force de chose jugée. Le délai d’appel est de 40 jours.
Fabienne Armborst