Le procès en appel de l’homme qui avait violemment attaqué la fille de son ex avec un marteau fin 2018 à Esch-sur-Alzette a eu lieu mardi après-midi. Les premiers juges l’avaient condamné pour tentative de meurtre à 20 ans de réclusion.
À huit reprises au moins, Jalal M. (42 ans aujourd’hui) avait frappé la fille de son ex au moyen d’un marteau le 2 novembre 2018, vers 8 h 25, près de l’arrêt des Terres-Rouges à Esch-sur-Alzette. La victime venait tout juste de sortir du bus pour se rendre au travail quand son agresseur l’a attaquée en pleine rue. Grâce à des témoins, il avait été rapidement appréhendé par la police alors qu’il se dirigeait vers le boulevard Prince-Henri. Depuis son arrestation, il dort à Schrassig.
Condamné en première instance à 20 ans de réclusion ferme pour tentative de meurtre, le quadragénaire comparaissait mardi après-midi devant la Cour d’appel. «J’ai fait appel, car je trouve que 20 ans de prison c’est trop, Madame», s’est-il exclamé en s’avançant à la barre. Ce qu’il est venu demander, c’est «un peu de clémence». Et «une dernière chance», comme il ne manquera pas de le dire juste avant que l’affaire ne soit prise en délibéré.
Les faits, il ne les conteste pas. «Je ne veux pas dire que je ne suis pas coupable. La victime ne m’a rien fait… Je n’arrive pas à comprendre pourquoi j’ai pété les plombs…» Il parlera encore d’un «trou noir» et de ses problèmes de drogue à l’époque. «Ça fait 24 mois que je suis en psychiatrie. Je sens la douleur de la victime… Je ne me sens pas bien. Je n’arrive pas à trouver la réponse pour ce que j’ai fait. J’ai honte pour ma famille. Je demande pardon à toute la famille de la victime…»
«Le marteau, c’était pour se rendre sur un chantier»
À l’époque, Jalal M. avait du mal à supporter la séparation d’avec son ex et surtout la plainte que cette dernière avait déposée contre lui fin septembre 2018. Ce n’est pas pour autant qu’il avait prémédité son acte, estime son nouvel avocat : «S’il avait un marteau dans son sac à dos, c’était parce qu’il devait se rendre sur un chantier. Il avait aussi un tournevis pour les travaux de bricolage.»
Pour Me Eric Says, «ce matin-là, il s’est rendu au domicile de son ex à Luxembourg-Belair. En chemin, il a croisé sa fille. Il n’avait pas planifié de s’en prendre à elle.» Ce que Jalal M. aurait toutefois compris, c’est qu’elle n’interviendrait pas auprès de sa mère pour qu’elle retire sa plainte. Et il avait pris le même bus qu’elle pour se rendre à Esch… «Il a commis l’irréparable», soulèvera encore Me Says dans sa plaidoirie. «Il a agi de façon non réfléchie en s’emparant de son marteau. Aujourd’hui, la Cour d’appel est sa dernière chance de voir baisser sa peine de réclusion.»
L’«extrême brutalité»
Le parquet général n’est pas d’accord : «Aujourd’hui Jalal M. regrette son acte, mais à l’époque sa seule intention était de tuer Madame.» Dans son réquisitoire, sa représentante soulèvera l’«extrême brutalité» des faits : «Il lui a asséné plusieurs coups de marteau à la tête. Les coups étaient de nature à causer la mort. Quand il a arrêté, elle gisait à terre. Son pronostic vital était engagé. Sans l’intervention rapide des secours, elle n’aurait pas survécu.» La jeune femme de 30 ans, grièvement blessée à la tête, était restée plongée pendant trois semaines dans le coma.
La représentante du parquet général avait lu le plumitif du procès de première instance : «Jalal M. n’a cessé d’y répéter qu’elle lui a manqué de respect, qu’à la sortie du bus, elle l’a regardé méchamment…» Se tournant en direction du quadragénaire dans le box des prévenus, elle lui lancera : «Je vous rappelle que pour une tentative de meurtre vous encourez jusqu’à 30 ans de réclusion. 20 ans de réclusion, c’est le minimum légal de la peine!» Des circonstances atténuantes qui justifieraient que la Cour d’appel aille en dessous de ce minimum, elle n’en voit pas. «Les regrets et les aveux, je les entends. Mais ces deux circonstances ont déjà été prises en compte par les premiers juges pour arriver à la peine de 20 ans.»
Une condamnation de 2009 rend le sursis impossible
Jalal M. n’en est pas à son premier séjour en prison. Une affaire de stupéfiants lui a valu en 2009 une condamnation, dont une partie de prison ferme. «Le fait qu’il ne peut plus bénéficier d’une peine de sursis est dû à sa propre faute.» Voilà pourquoi le parquet général demande la confirmation de la peine prononcée fin juillet 2020 par la 13e chambre criminelle.
La Cour d’appel rendra son arrêt le 23 mars. Le volet civil avec les demandes d’indemnisation sera réglé ultérieurement. Quelques heures avant l’audience mardi, l’avocat de la famille de la victime a déposé son mandat. Elle n’a donc pas eu le temps d’en consulter un nouveau. Afin d’évaluer le préjudice de la victime, la chambre criminelle avait ordonné une expertise. «Elle a perdu le goût et l’odorat. Lorsqu’elle mange, elle ne sent pas la différence entre une patate ou une glace», avait argué Me Pucurica. Cinq membres de sa famille, qui s’étaient également constitués parties civiles, s’étaient vu allouer 46 000 euros au titre du préjudice moral.
Fabienne Armborst