La crise sanitaire a eu un impact sur l’organisation de Schrassig ces six derniers mois. La prison s’est parée contre le Covid. Le directeur de l’administration pénitentiaire, Serge Legil, nous raconte.
«À l’heure actuelle, la prison est clean. Le danger vient de l’extérieur : visiteurs et agents pénitentiaires. Il s’agit donc de protéger les détenus», nous confiait, le 17 mars dernier, Serge Legil, le directeur de l’administration pénitentiaire. On se trouvait au début de la crise sanitaire. Un peu comme partout ailleurs, à Schrassig, on se barricadait contre le coronavirus. En quelques jours, les visites physiques de l’extérieur ont été réduites, puis carrément stoppées. Aussi du côté des activités des détenus, cela s’est arrêté net. À part les fonctions essentielles telles la buanderie, la cuisine ou le nettoyage. Et pour les nouveaux arrivants, une section de quarantaine a été instaurée.
Trois personnes infectées détectées
Ces quarantaines ont eu un effet positif. «Elles ont permis d’éviter l’intrusion du Covid-19», constate Serge Legil aujourd’hui près de six mois plus tard. «C’est notre filtre. Grâce à cette mesure, trois personnes infectées ont été détectées.» Dès le résultat de leur test positif, elles ont été transférées au CHL. Les sections de quarantaine à Schrassig sont agencées de telle manière que leurs occupants n’ont aucun contact avec les autres détenus et n’ont qu’un contact minimal avec les infirmiers. Aussi se trouvent-elles au rez-de-chaussée de la prison. Sa capacité actuelle? Vingt-neuf personnes peuvent être placées en parallèle en quarantaine.
«On a vite tout fermé, mais dès qu’on a pu ouvrir on a rouvert», récapitule Serge Legil, passant en revue la chronologie des évènements depuis le confinement. Pour aider les détenus à passer leurs appels téléphoniques, une prime de 50 euros leur a été allouée aux mois d’avril et mai. Les visites ont repris progressivement dans le courant du mois de mai via des parloirs sécurisés où les détenus étaient séparés par une vitre. La durée maximale d’une visite était de 30 minutes. Et le port du masque et la désinfection des mains étaient obligatoires. Début juillet, c’est la grande salle de visites qui a rouvert. Le rythme des visites d’avant la crise a pu reprendre. À la différence près que des grandes cloisons y ont été installées. Entre le détenu et les visiteurs, il n’y a toujours pas de contact physique possible et le port du masque reste obligatoire.
Durant le confinement, les entretiens via Skype avaient pris le devant. «Les avocats ont beaucoup apprécié, mais aujourd’hui ils reviennent en prison. Ces visites ont lieu dans les parloirs», note Serge Legil. Les dérogations à l’utilisation de Skype au CPL ne sont en effet plus en vigueur.
«Trouver le bon équilibre entre sécurité et liberté»
Actuellement, Schrassig compte quelque 500 détenus (à Givenich, ils sont au nombre de 55). Avant l’été, ils ont pu reprendre les ateliers tout comme le sport. Dans les ateliers où trois à quatre détenus se retrouvent en même temps, la distanciation sociale est possible. Mais pour les activités sportives, on reste vigilant : elles s’organisent entre détenus d’un même bloc séparément et non plus par niveau sportif comme cela était le cas avant. «Il s’agit d’éviter tout risque de contamination entre blocs.» Le football non plus n’a pas repris, tout comme les sports de contact. Par contre, la salle de musculation est opérationnelle.
Le 26 mars, les femmes détenues ont commencé à fabriquer des masques. Et depuis le 9 avril, chaque détenu a un masque. «La cellule est considérée comme espace privé. Mais dès qu’ils se déplacent au sein de la prison, le port du masque est obligatoire», explique Serge Legil. «Il faut trouver le bon équilibre entre sécurité et liberté», juge notre interlocuteur. «Entre 70 et 80 % de la population carcérale est vulnérable. Et il y a cette proximité. Si le virus venait à entrer en prison, il y aurait bien plus de morts qu’à l’extérieur. D’où les règles si strictes.»
À l’heure actuelle, Schrassig n’a pas encore dû passer en revue tous ses scénarios. «Si un jour le CHL est saturé et qu’il ne peut plus accueillir les cas détectés dans notre section de quarantaine, on a la possibilité de transformer en une journée un bloc de la prison. La formation est assurée. Et on nous prêtera le personnel. On est parés», conclut Serge Legil.
La visioconférence avec la Cité judiciaire fonctionne
Avec la crise, des innovations ont également vu le jour. Avant les vacances judiciaires, nous apprenions ainsi qu’à la Cité judicaire des premières chambres du conseil se sont tenues via visioconférence : le détenu se trouvait à Schrassig. «On a brisé la glace. C’est fait. L’outil spécial informatique à disposition de la magistrature, on l’a mis en œuvre et cela a marché», nous a confirmé Serge Legil. Même si la visioconférence a aussi fonctionné pour des comparutions devant le juge d’instruction, cela reste un processus embryonnaire. «La technique fonctionne, reste à voir le côté pratique», poursuit Serge Legil. «Par exemple, certains avocats préfèrent être près de leur client, d’autres dans la même salle que le juge…»
Toujours est-il que c’est une solution intéressante en cette période de crise. Surtout quand on sait que le délai pour la première comparution devant le juge d’instruction est limité dans le temps. Si à Schrassig actuellement une salle est aménagée pour la visioconférence, à Sanem dans la nouvelle prison en construction plusieurs salles seront à la disposition des autorités.
Fabienne Armborst