Gourou à la longue barbe noire et à la garde-robe clinquante, Gurmeet Ram Rahim Singh, condamné lundi à dix années de prison pour viol, est emblématique de ces chefs spirituels indiens suivis par des millions de personnes mais au pouvoir controversé.
Des hommes politiques aux stars de cinéma, des joueurs de cricket aux paysans pauvres, des dizaines de milliers de disciples viennent régulièrement écouter cet homme qui murmure à l’oreille des grands de l’Inde dans son vaste quartier général du nord du pays. Lorsque « pita-ji » (« révéré père ») apparait devant son audience à Sirsa, ville de l’État de l’Haryana, les fidèles tombent en larmes à ses pieds pour recueillir sa bénédiction.
38 morts dans de violents heurts partisans
Cette dévotion fanatique a pris un tournant tragique la semaine dernière lorsqu’un tribunal a déclaré le gourou coupable du viol de deux femmes dans une affaire remontant à 2002. Au moins 38 personnes ont péri après que des dizaines de milliers d’adeptes eurent semé la terreur dans les rues de plusieurs villes, mettant le feu à des dizaines de véhicules et provoquant des émeutes.
Normalement habitué aux tenues criardes et aux lourds bijoux, le « gourou tape-à-l’œil » était apparu sobrement vêtu de blanc devant le tribunal. Sa culpabilité prononcée, un hélicoptère de luxe du gouvernement l’a ensuite emmené en prison.
Tout puissant
Ce traitement VIP est révélateur de l’influence politique de l’ « homme-dieu », qui bénéficiait déjà du dispositif de protection réservé aux politiciens les plus importants du pays. Partis politiques du pouvoir comme de l’opposition le courtisent de longue date pour s’attirer ses bonnes grâces. Son soutien à leur formation leur apporte un réservoir significatif de voix, dans un pays où la discipline de vote est forte.
La puissance du gourou est telle que nombre de ses fidèles ou alliés préfèrent fermer les yeux sur les nombreuses controverses qui entachent sa réputation. En 2015, il a été accusé d’avoir encouragé 400 de ses disciples à se faire castrer pour se rapprocher de Dieu. Il a par ailleurs été poursuivi dans le cadre du meurtre d’un journaliste en 2002.
Si le personnage public est très médiatisé, peu d’éléments de sa vie privée sont connus. Selon son site internet, le gourou au visage débonnaire est né dans une famille riche de l’État du Rajashtan (nord de l’Inde) le 15 août 1967. « Très vite, ses parents réalisèrent qu’il n’était pas un simple enfant mais l’image de Dieu. Et donc il ne lui firent jamais de mal physiquement ou verbalement », indique sa notice biographique officielle.
Acteur kitsch
Gurmeet Ram Rahim Singh, patronyme qu’il s’est lui-même donné, refuse d’être classé dans une religion particulière – « Ram » est une référence à l’hindouisme, « Rahim » à l’islam et « Singh » au sikhisme. A la tête de la secte Dera Sacha Sauda, il a développé ces dernières années un empire commercial en vendant des produits allant de médicaments naturels à l’urine de vache, animal considéré comme sacré dans l’hindouisme.
Mais ce que le gourou semble affectionner plus que tout, c’est le cinéma. En 2015, il a lancé une franchise de films autour du thème « Messager de Dieu » (MSG), le montrant réalisant des « miracles », haranguant les foules et passant à tabac des gangsters, le tout en chantant et dansant. L’un des derniers volets, « MSG le guerrier – Cœur de lion », le montre en agent secret dézinguant des extraterrestres et des soucoupes volantes dans une débauche de kitsch.
Le Quotidien/AFP