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Graffitis illégaux : cinq tagueurs condamnés


Taguer un bien sans l’autorisation de son propriétaire est considéré comme un délit au Luxembourg.

Le tribunal a suivi de près le réquisitoire du parquet en condamnant cinq tagueurs particulièrement actifs il y a une dizaine d’années. Il a cependant réduit les sommes réclamées au civil.

Seck, Sior, Size, Tame et Skiz ont été reconnus coupables d’avoir réalisé près de 250 tags, notamment sur des infrastructures routières et ferroviaires au Luxembourg, par la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier.

Les juges n’ont pas tenu compte des efforts des avocats des cinq tagueurs pour décrocher leur acquittement et la requalification des faits de délits en contraventions de police. Dans ce cas, la chambre correctionnelle aurait été incompétente pour les juger et les faits auraient été prescrits, le délai de prescription étant d’un an dans ce cas.

En mai dernier, ils s’étaient évertués à éviter une condamnation, une inscription au casier judiciaire et surtout le remboursement des sommes demandées par les parties civiles à leurs clients.

Quatre articles qui ne nomment pas les graffitis en tant que tels, et une loi spéciale qui repose sur un règlement de police des chemins de fer, s’offraient aux juges. Le parquet avait requis des peines de 18 à 6 mois de prison avec sursis à l’encontre des trentenaires.

Pour la majorité des faits au dossier, le ministère public avait retenu les articles 526 et 528 qui s’appliquent en cas de «destruction ou de dégradation des tombeaux, monuments, objets d’art, titres, documents et autres papiers» d’utilité publique et «de denrées marchandises ou autres propriétés mobilières d’autrui». Il avait également envisagé la circonstance aggravante de bande organisée prévue par l’article 529 du code pénal.

Circonstance aggravante qui n’a pas été retenue par les juges puisque Seck, présenté comme étant le meneur de la bande ou crew a écopé de 18 mois de prison assortis du sursis intégral et d’une amende de 3 000 euros au lieu des 15 ans de réclusion qui lui pendaient au nez.

Size qui s’était très mal défendu, a été condamné à une peine de 9 mois de prison assortie du sursis intégral et à une amende de 1 500 euros, Tame à 6 mois de prison assorti du sursis intégral et à une amende de 1 000 euros, Sior à 5 mois de prison assorti du sursis intégral et à une amende de 1 000 euros et Skiz à 4 mois de prison assorti du sursis intégral et à une amende de 2 000 euros.

Au civil, Seck devra payer les sommes de 14 372 euros à l’état et de 32 568 euros aux CFL, Size 12 670 euros et 16 213 euros, Tame 10 624 euros et 19 010 euros, Sior 532 euros à l’état et Skiz 2 473 euros et 11 544 euros.

Tame devra également s’acquitter de la somme de 2 691 euros auprès de l’administration communale de Differdange. Le tribunal est resté bien en deçà des 500 000 euros réclamés par les parties civiles. Il s’est notamment déclaré incompétent pour certaines d’entre elles.

Reconnaissance des initiés

Seck aurait, selon le parquet, commis 128 tags, Sior 73, Tame 27, Size 18 et Skis 10 entre 2009 et 2015. Pour se faire un nom dans le milieu du graffiti, les cinq trentenaires ont sprayé leurs tags un peu partout au Luxembourg, voire jusqu’en Autriche et en Grèce pour Sior.

L’affaire a jeté un pavé dans la mare sur la réponse pénale à donner à l’art urbain par la justice luxembourgeoise dont les tribunaux sont rarement amenés à toiser ce genre de débats.

Les tagueurs entretiennent l’ambiguïté propre à cet art de rue. La clandestinité et l’illégalité étant un passage obligé avant la reconnaissance. Leurs aînés Sumo et Thomas Iser ont dû passer par elles pour obtenir une légitimité en tant qu’artistes, a souligné Me Philippe Penning, avocat du présumé Seck. «L’État les a poursuivis avant de leur donner des contrats», a-t-il constaté en brandissant avec ironie une photographie d’un avion Luxair aux couleurs de Sumo.

Moyen d’expression artistique ou politique pour les uns, vandalisme ou dégradation pour les autres, le graffiti et le tag divisent sous toutes leurs disciplines. Qu’ils s’affichent le long des autoroutes et des voies ferrées ou dans les musées, ils tirent leurs origines de la rue, du populaire et de l’urbain.

Les enquêteurs de la police les ont traqués et répertoriés sans relâche sur tout le territoire luxembourgeois pour les comparer aux croquis retrouvés dans les carnets à dessin de Seck ainsi que sur des photographies et des vidéos publiées sur les réseaux sociaux.

Les policiers ont «joué au chat et à la souris» avec l’équipe dans l’espoir de les prendre en flagrant délit, a expliqué un enquêteur qui a dû se familiariser avec la scène et ses codes. «Avant cette équipe, les graffitis illégaux n’étaient pas une de nos priorités.»

Restait à identifier les membres de l’équipe qui se faisait appeler OTC pour Over the Cops et BFT pour Back for Trouble, ainsi que la personne qui se cachait derrière le tag Seck. «Seck était à l’époque l’un des graffeurs les plus connus au Luxembourg», précise le policier qui détaille l’enquête. Sa signature se trouvait un peu partout dans le pays.

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