«Je n’ai peut-être pas été très gentil avec Madame, mais je ne suis pas raciste», s’est entêté Ardalan mardi. Il comparaissait pour avoir proféré des propos racistes.
«Vous feriez mieux de vous occuper des familles portugaises qui passent leurs soirées au café avec leurs enfants. (…) Ce sont elles, les familles à problèmes», aurait lancé Ardalan à l’intention de Jade – le nom a été modifié -, une assistante sociale du service central d’assistance sociale (SCAS) qui lui téléphonait pour fixer un rendez-vous afin de mettre en place une mesure ordonnée par le juge pour enfants. Il s’agissait de placer ses deux jeunes fils dans un internat. Jade reprenait le dossier d’un collègue et tenait à se présenter.
Rendez-vous est finalement pris quelques jours plus tard, en février 2019, au domicile du prévenu pour faire connaissance et discuter de la mesure de placement. La jeune femme, qui porte un nom de famille d’origine portugaise, aurait passé outre les propos discriminatoires envers ce peuple et aurait tenté d’accomplir son travail au mieux.
L’ambiance aurait été tendue, se souvient-elle à la barre de la 16e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, ce mardi. Le prévenu n’aurait pas compris le sens de la mesure. Il serait éduqué et ses fils seraient scolarisés dans des écoles privées. Le ton montant, la jeune femme aurait préféré mettre un terme à l’entretien.
«Sa culture ne me convient pas»
Le lendemain, le prévenu aurait téléphoné à la permanence du service pour se plaindre de l’assistante sociale et demander que sa famille «ne soit pas suivie par une Noire». Un nouveau rendez-vous est fixé auquel assistera la directrice du SCAS. Au siège du SCAS, cette fois. Le prévenu n’aurait pas voulu adresser la parole à Jade, a rapporté la directrice à la barre.
« Il m’a dit que je ne pouvais pas l’obliger à travailler avec une Africaine. « Sa culture ne me convient pas » », affirme-t-elle. Jade se serait comportée de manière «envahissante», «comme un dictateur», aurait-il tenté de se justifier. À la suite de ses propos, la jeune femme a porté plainte à deux reprises. «J’ai bien compris qu’il avait un problème avec ma couleur de peau», témoigne-t-elle.
Le prévenu nie, refuse les accusations de racisme et crie au complot. Même face aux policiers qui l’ont entendu au mois d’avril dernier. «Il était persuadé que les deux assistantes sociales et la directrice ont tout inventé pour l’obliger à se plier à la décision du juge pour enfants», a précisé un commissaire. Le prévenu n’en serait pourtant pas à son coup d’essai. Le policier explique qu’un procès-verbal avait déjà été dressé à son encontre en 2018 pour insulte à un agent de police d’origine portugaise.
Deux patientes d’Ardalan depuis 5 et 13 ans, d’origine africaine, citées à la barre par la défense, ont corroboré ses dires et ont affirmé ne jamais avoir subi de problèmes de discrimination raciale à leur égard.
«Des propos intolérables»
«Je ne suis pas raciste!», a lancé le dentiste, qui n’en démord pas au point d’agacer le président de la 16e chambre. «C’est un mensonge, c’est absolument faux!», a-t-il insisté, «Je ne voulais pas travailler non plus avec son prédécesseur et il était blond». Le prévenu aurait été fâché avec les assistants sociaux en général, car il n’aurait pas admis la mesure de placement de ses fils, imposée par la justice.
Pour le procureur, il y aurait bien eu incitation à la haine et à la violence raciale et ethnique. Elle a requis une peine de 18 mois de prison et une amende contre le père de famille de 58 ans. Son avocat a quant à lui estimé que «c’est son droit de nier» les faits et que les propos auraient été tirés de leur contexte.
«Je ne sais pas qui a fait monter la sauce et vous non plus», a indiqué l’avocat au président de la 16e chambre correctionnelle, estimant que la peine prononcée était trop lourde. Le procureur a répliqué que les propos que le prévenu auraient tenus étaient «intolérables dans n’importe quel contexte».
Le prononcé est fixé au 3 février.
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