Sans situation, le jeune immigré vole, manipule, se cache derrière des alias et son apparence juvénile. Le parquet lui reproche d’avoir emprunté une route jalonnée de nombreux délits.
Mehdi cumule les infractions et les identités. Le jeune Marocain de 23 ans s’est présenté sous douze alias différents aux autorités judiciaires auxquelles il a été confronté au fil de ce que le représentant du ministère public a qualifié hier d’«odyssée criminelle». À son compteur face à la 12e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier, sept maisons visitées, des commerces de bouche dévalisés, des voitures dégradées, une vingtaine de personnes lésées et une victime traumatisée.
Un nombre impressionnant de faits dont le prévenu prétend ne plus se souvenir. «Normalement, on se souvient des maisons qu’on cambriole», note le président de la chambre correctionnelle. «Je consommais beaucoup de drogue à l’époque. Il est possible que j’ai commis les faits», reconnaît Mehdi qui préfère ne pas nier l’évidence. Son ADN a été retrouvé sur les lieux de certains des forfaits qui lui sont imputés. Notamment sur la porte d’entrée de la boutique d’un traiteur installé au passage de l’Hôtel-de-Ville, à Luxembourg. Le 13 juin 2021, Mehdi s’est coupé en la forçant. Il est reparti avec une bouteille de vin, le fond de caisse de 300 euros et un ordinateur portable.
Cambriolages en série
Huit jours plus tard, avec un complice, il s’est introduit dans un commerce de la rue Robert-Stümper pour y voler «des clés de voiture, une carte de carburant, un coffre-fort, trois caisses et 450 euros», a énuméré le président. Il s’y est introduit à l’aide d’un tournevis présentant des traces de son ADN, retrouvé dans une voiture stationnée devant l’établissement. Il l’y avait oublié après avoir pris un sac et des lunettes de soleil.
La chambre correctionnelle est ensuite passée «au plat de résistance». Il se compose de sept faits de cambriolages ou de tentatives, ainsi que d’un vol avec violence commis le 4 avril 2021 à Dudelange, le 20 mai 2021 à quatre reprises à Strassen et à Bertrange, ainsi que le 12 juin 2021 au restaurant Daiwelskichen et dans la rue Large à Luxembourg. Il s’introduit dans les bâtiments en brisant les fenêtres avec une pierre ou un pied de parasol, notamment. Le butin des cambriolages a, en partie, été retrouvé dans le squat qu’il occupait avec d’autres jeunes hommes.
Les conséquences de ses actes
Cité Millewee à Bertrange, c’est avec l’un d’eux qu’il a commis un vol avec violence en arrachant la montre du poignet de Jacques. «Il était 5 h 30 du matin. Je me préparais pour partir travailler quand j’ai entendu des voix autour de ma maison», témoigne le quinquagénaire. «Depuis ma terrasse, j’ai aperçu un jeune homme au fond de mon jardin. En m’approchant pour lui demander ce qu’il faisait là, j’ai pu distinguer un deuxième jeune homme. Ils m’ont dit qu’ils cherchaient un raccourci.» Le témoin leur a indiqué la route à suivre et leur a demandé de quitter sa propriété, mais le duo n’a pas obtempéré et a demandé à manger à Jacques qui a menacé les deux hommes de prévenir la police. «J’ai fait demi-tour pour rentrer chez moi. L’un des deux m’a attrapé le bras et l’autre a arraché ma montre.»
Le complice présumé de Mehdi n’était pas présent à l’audience. Le prévenu, actuellement en détention préventive, explique avoir «suivi des jeunes» et avoir depuis «pris conscience que je n’étais pas sur la bonne voie». «Quand je suis arrivé en Europe, j’ai vu un autre monde», explique le jeune homme. «Le prévenu a fait le choix d’une vie criminelle et doit en supporter les conséquences», lui a opposé le représentant du parquet avant de requérir une peine de 36 mois de prison et une amende appropriée à son encontre. Le magistrat a constaté «les preuves accablantes» et «la personnalité manipulatrice» de Mehdi qui a «menti sur son âge» – ce qui a fait traîner la procédure – et «refuse d’admettre ses actes».
«Une entrée complètement catastrophique dans l’âge adulte»
Une peine trop sévère pour Me El Handouz, son avocate, qui explique que Mehdi est arrivé à Paris en tant que mineur non accompagné. «Sans encadrement, il s’est retrouvé livré à lui-même. Son seul refuge était la drogue. Celle des pauvres, des pilules de Lyrica et de Rivotril qui se vendent quelques euros dans la rue», décrit-elle. «Il a fait une entrée complètement catastrophique dans l’âge adulte.»
Alors qu’il s’est fait passer pour un mineur, il a été placé à l’Unisec, où «il s’est fait remarquer de manière positive». L’avocate a demandé au tribunal de «lui faire confiance» en raccourcissant la peine requise, de l’assortir du sursis le plus large possible, sinon intégral, et de faire l’impasse sur l’amende étant donné sa situation précaire.
Le prononcé est fixé au 25 avril prochain.