Fin 2017, une violente altercation avec un couteau avait viré au drame. Le procès du jeune homme auteur du coup mortel s’est ouvert mardi matin devant la chambre criminelle. Il parle d’un acte de légitime défense…
«C’est vrai que j’ai porté deux coups de couteau ce jour-là. Malheureusement, l’un a causé la mort. Mais ce n’était pas mon intention de le tuer. Je me suis défendu.» Dix-neuf mois, c’est le temps qu’Ernol D., âgé aujourd’hui de 26 ans, a passé en détention préventive après avoir tué son beau-père de 36 ans. C’était le 22 décembre 2017 en début d’après-midi à Dalheim. Aujourd’hui le jeune homme se trouve sous contrôle judiciaire.
Acte de légitime défense ou meurtre avec éventuelle préméditation? La 13e chambre criminelle devra trancher. Pour l’ouverture du procès mardi matin, elle avait décidé de faire d’abord parler les traces de sang. La maison où s’est produit le drame avait été passée au crible : il y avait des taches de sang au rez-de-chaussée, mais aussi dans la cage d’escaliers menant à la cave. En revanche, aucune trace dans les escaliers vers l’étage. C’est là que l’arme – un couteau rose en céramique – a été retrouvée dans les draps d’un lit. Il y avait également du sang dilué au fond du lavabo de la salle de bains au premier étage…
L’ensemble de ces traces n’ont pas permis déterminer les lieux exacts où la victime a été blessée mortellement. «Au moment du drame, elle portait trois t-shirts les uns sur les autres. Les projections ont donc été arrêtées par les vêtements», explique l’expert français en criminalistique et morphoanalyse des traces de sang. «Avant de s’écouler et de laisser des traces, le sang s’imprègne dans le vêtement.»
Or pour le spécialiste, l’analyse des traces livre d’autres enseignements, à savoir celui que le scénario avancé par le prévenu, qui prétend s’être défendu après avoir été blessé par la future victime, ne colle pas. Si l’on suit ses explications, lors de la reconstitution début mai 2018, la rixe dégénère dans le couloir au rez-de-chaussée. Le jeune homme déclare y avoir essuyé au moins deux coups de couteau. Blessé, il aurait retiré le couteau des mains de son agresseur. Et il l’aurait poignardé à son tour. Leur lutte se serait déportée dans le salon. Une chaise aurait également volée à travers la pièce… avant qu’il ne monte dans la salle de bains à l’étage et aille s’allonger sur le lit.
L’hypothèse de l’automutilation
«Ce qui est problématique pour moi, c’est qu’il y a beaucoup d’évènements entre le moment où il dit être blessé et l’endroit où on retrouve ses traces de sang à l’étage. Avec les gestes brusques dans le salon, l’hémorragie avait le temps de s’installer et d’imprégner sa chemise… On ne retrouve aucune trace de sang dans la cage d’escalier. Mais il saigne quand il est à l’étage», constate l’expert.
D’où l’hypothèse que le prévenu ait pu se blesser lui-même à l’étage… Les résidus de sang retrouvés au fond du lavabo n’apportent pas plus d’éclaircissements. On y retrouve un mélange d’ADN. Mais d’après l’experte en identification génétique, «les traces de la victime ne proviennent par forcément d’une source de sang. À la maison, notre ADN est sans doute dans chacun de nos lavabos. Le crachat quand on se brosse les dents est aussi riche en ADN».
Toujours est-il que lorsque les secours sont arrivés, le prévenu présentait quatre blessures au torse, dont deux coupures. Avec l’audition du médecin légiste ce mercredi après-midi, on devrait en apprendre davantage sur leur profondeur. Et si elles sont éventuellement compatibles avec les traces qui souillent la pointe du couteau sur environ trois centimètres.
L’ADN du prévenu sur le fourreau du couteau
Le spécialiste livrera aussi des détails sur les blessures mortelles de la victime. Elle avait perdu pas mal de sang dans le salon. Grâce à l’analyse des traces de sang, on sait aussi qu’elle est descendue à un moment donné à la cave. En témoignent les traces de contact sur les murs dans la cage d’escaliers.
Ce que l’on a également appris mardi c’est que sur le fourreau du couteau, destiné à protéger la lame, a uniquement pu être mis en évidence le profil génétique du prévenu. Cela ne permet toutefois pas de dire qu’il en était le seul utilisateur. L’ADN de la victime a tout aussi pu être recouverte par celle du prévenu. «Tout dépend de la prise en main, de la durée de la tenue ou du frottement», a ajouté l’experte.
Si au premier jour du procès, très peu de détails ont filtré sur les circonstances de ce drame familial on devrait en apprendre davantage les jours suivants, lors de l’audition des enquêteurs de la police judiciaire. Au total, huit audiences sont prévues pour ce procès.
Fabienne Armborst