Il est poursuivi pour avoir frappé, violé, menacé de mort… son épouse. À la barre mardi, le quinquagénaire a nié en bloc. Pour expliquer un SMS troublant, la chambre criminelle a eu droit à une histoire de poupée.
«Quand il m’a étranglée, il m’a dit qu’il allait me tuer.» Frappée, insultée, menacée, séquestrée, violée… C’est d’un véritable calvaire dont la quinquagénaire a fait le récit, mardi après-midi, à la barre. Sur le banc des prévenus : son entretemps ex-mari âgé de 50 ans. Depuis juillet 2017, ils sont divorcés. Selon elle, «des problèmes il y en a eu toute la vie». Ça a débuté assez vite après leur mariage au Portugal au début des années 90 et ça s’est poursuivi au Luxembourg après leur déménagement en 2011.
Pour que la langue de l’épouse se délie, il a toutefois fallu attendre le début de l’année 2016. D’abord, elle s’était confiée à son médecin. Puis ensuite le 24 janvier 2016 quand elle a composé le 113. Elle venait tout juste de s’échapper de la chambre conjugale prétextant vouloir aller aux toilettes… Ce soir-là, alors qu’elle regardait un film avec son fils et des amis, son mari aurait insisté pour qu’elle l’accompagne au lit. Et puis, il aurait fermé la porte de la chambre à clé avant de l’insulter, de la prendre par la gorge. «J’ai eu peur, j’ai eu du mal à respirer», témoigne celle qui dit avoir été victime d’une tentative de viol.
Ce n’était visiblement pas la première fois qu’il abusait d’elle. «Quand j’ai commencé à parler à la police, j’ai tout dit.» À l’entendre, c’est à l’automne 2015 que tout a empiré. C’est aussi l’époque où elle lui aurait annoncé sa volonté de divorcer. Il n’y aurait pas eu que «le couteau de cuisine contre la tête», mais aussi les menaces de mort proférées… «Je vais te tuer toi et après je me tue moi» et enfin il aurait profité du fait qu’elle prenait des somnifères pour la violer au moins à deux reprises. «Il a dit que j’étais sa femme, qu’il n’y avait aucun problème.»
Hématomes et griffures au cou
Retour au 24 janvier 2016 quand le SREC Esch a donc débarqué dans leur appartement à Schifflange. La police avait accompagné la plaignante à l’hôpital où lors d’un examen, des hématomes et des griffures au cou correspondant à des traces de strangulation avaient pu être constatés. L’époux, pour sa part, avait été expulsé du domicile. Mais à partir de cette date, le dossier fait état de faits de harcèlement. Rien que le premier mois, l’enquête a mis au jour 44 SMS et 28 appels. Alors qu’il se trouvait sous contrôle judiciaire, il l’aurait aussi régulièrement suivie jusqu’à son travail et attendu qu’elle sorte… La plaignante se souvient d’une scène où, en voiture sur le chemin du retour, il aurait «tenté de la mettre contre le bord de la route». Tout cela semble avoir pris fin début mars 2017. Après le coup de fil désespéré de l’épouse, la police avait réussi à l’interpeller derrière son volant.
À part le fait qu’il a parlé avec elle après son expulsion du domicile, le prévenu nie en bloc les accusations. D’après lui, le soir du 24 janvier 2016, c’est aussi tout le contraire de ce qu’elle affirme qui s’est passé. «J’ai gentiment pris la main de ma femme pour que nous allions dormir. Je lui ai juste dit : « C’est l’heure d’aller se coucher ».» Voilà ses mots à la barre de la 13e chambre criminelle.
Si lors de l’instruction il avait fait état d’une «dispute verbale», face aux juges mardi rien de tel. «Quand on dit la vérité, on s’en souvient. Surtout devant la chambre criminelle», lui lancera la présidente.
«– Lors de mes dépositions, je prenais des antidépresseurs.
– Ces derniers ne font pas qu’on ment…»
La chambre criminelle le confrontera aux blessures de la plaignante attestées par le médecin. «C’était pas moi.» Clamant son innocence, il dira encore : «Peut-être elle se les est faites elle-même.» Fort possible, selon lui, qu’elle ait inventé toute cette histoire de viols et de menaces pour pouvoir vivre avec son nouvel ami…
«Si tu ne retires pas ta plainte…»
Or le dossier fait aussi état d’un SMS troublant qu’il avait envoyé à sa femme : «Si tu ne retires pas ta plainte, tu regretteras cela toute ta vie.» Pour le prévenu, ce message n’est nullement à considérer comme une menace. C’est un message qu’il faudrait replacer dans son contexte pour le comprendre, avait-il expliqué au juge d’instruction. «Le curé Manuel m’a dit qu’une sorcière au nez brisé a fait effraction dans notre maison au Portugal et que cela pourrait porter malheur.» Voilà la traduction de l’explication curieuse qui figure au dossier… La chambre criminelle apprendra finalement qu’il ne s’agissait pas d’une vraie sorcière, mais d’une poupée-jouet. «Je ne sais pas qui l’a mise dans le tiroir. Mais chez nous une sorcière au nez cassé, cela porte malheur», insistera le prévenu. Le problème, c’est que ce n’est pas l’unique explication qu’il avait donnée. Avec cette histoire de sorcière, même derrière les masques – crise sanitaire oblige –, difficile de dissimuler son sourire. «Ça suffit. Il fait chaud avec les masques», ne tardera d’ailleurs pas de dire la présidente. Une seule audience de trois heures n’aura pas suffi pour clore les débats dans cette affaire. Suite et fin donc le 9 juin.
Fabienne Armborst