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Affaire des faux certificats portugais : « Ils ne pouvaient ignorer les fraudes »


photo LQ

Le parquet doute des affirmations des deux employés de l’État sur le banc des prévenus dans le procès des fraudes aux autorisations d’établissement.

Initialement, 15 audiences étaient prévues pour ce procès dans lequel comparaissent huit prévenus. Mercredi matin lors de la sixième audience, le parquet a pourtant déjà entamé son réquisitoire. Il soulève que l’ex-fonctionnaire Joseph L. a touché plus de 400000 euros grâce au trafic de faux certificats portugais.

C’est une affaire qui a duré sept longues années », a récapitulé la représentante du parquet, mercredi matin. Entre 2002 et 2007, près de 200  Portugais ont reçu une autorisation d’établissement au Grand-Duché grâce à de faux certificats, alors qu’ils ne remplissaient pas les conditions requises. Au cours de son réquisitoire, le premier substitut a décortiqué le rôle de chacun des huit prévenus dans ce réseau de fabrication de faux documents.

À la barre, les prévenus, à l’exception de Joseph L. et José S., ont tous affirmé ne pas avoir été au courant que les documents qui passaient entre leurs mains étaient faux. Or le parquet ne croit pas en cette version  : « Ils ne pouvaient ignorer les fraudes. »

Le parquet relève que le principal prévenu Joseph L. ne parlait pas le portugais. Après qu’il avait fixé le prix (jusqu’à 28  000  euros) et confectionné un brouillon, José S. se chargeait de la traduction et opérait via son contact au Portugal. « Joseph L. avait besoin de quelqu’un pour faire les traductions et les sales besognes », constate le premier substitut. Une fois les faux certificats vierges récupérés, une fiduciaire remplissait les mentions. Ensuite, le fonctionnaire retraité du ministère de l’Économie Joseph L. les récupérait et faisait entrer les dossiers par ses « c ontacts privilégiés » au sein du ministère des Classes moyennes.

Parmi eux figurait la fille de sa cousine Simone B. De l’enquête, il ressort qu’elle a touché des versements d’un total de près de 37  000 euros pour ses services. « Pendant son congé de maternité, les versements s’arrêtent. Pour moi, ce n’est donc pas plausible qu’elle ignore l’origine frauduleuse des certificats », réplique le parquet à M e Benoît Entringer qui en début d’audience avait plaidé que sa cliente n’était pas au courant du caractère falsifié des documents. L’avocat souligne qu’à aucun moment il n’y a eu accord entre Joseph L. et sa cliente. Voilà pourquoi sa cliente devrait être acquittée. Pour rappel, Simone B. prétend avoir touché entre 12000 et 15000 euros, mais c’était pour son mariage et la naissance de sa fille.

Comme deuxième contact privilégié de Joseph L. au ministère des Classes moyennes, le parquet cite le prévenu Raymond S. Lui aussi aurait joué un rôle essentiel dans cette affaire. Car ce dernier préparait les dossiers pour la commission consultative chargée des autorisations d’établissement. Son travail était de contrôler la qualification et l’honorabilité des requérants.

Des appels privés qui dérangent

Comme Simone B., Raymond S. conteste avoir été au courant des fraudes aux autorisations d’établissement. « Il aurait dû se rendre compte que les dossiers de Joseph L. sont arrivés trop nickel! » , estime le parquet. « Il ressort aussi de l’enquête qu’il y a eu beaucoup de contacts téléphoniques entre Joseph L. et Raymond S. sur une ligne privée. »

Somme toute, beaucoup d’argent a coulé avec ce trafic de faux certificats, selon l’enquête policière. Des montants que le parquet ne manque pas de rappeler. Au total, Joseph L. aurait ainsi touché plus de 400  000  euros et son intermédiaire José S. 120 000 euros. Enfin, la fiduciaire du réseau de Joseph L. qui s’occupait du remplissage des faux certificats vierges aurait encaissé 150  000 euros. Deux de ses collaborateurs se trouvent aussi aujourd’hui sur le banc des prévenus.

L’affaire avait éclaté en 2007 au sein du ministère des Classes moyennes. Mais déjà auparavant des rumeurs de corruption circulaient au sujet du président de la commission consultative. « Il n’a jamais été inculpé. Il a toujours nié avoir reçu quoi que ce soit » , note la représentante du parquet.

Lors de leurs plaidoiries, les avocats à la défense ont plaidé le dépassement du délai raisonnable. Car le procès n’a lieu que dix ans après l’ouverture de l’enquête. « C’est seulement en 2011 que José S. a dévoilé son intermédiaire au Portugal par lequel il déclare être passé pour se procurer les faux certificats vierges », rappelle le parquet. Ces déclarations avaient engendré toute une série de nouvelles investigations.

Le procès se poursuit ce jeudi matin avec la fin du réquisitoire du parquet. On apprendra quelles peines il requiert contre les huit prévenus.

Fabienne Armborst

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