Mercredi après-midi, la chambre criminelle s’est attaquée à l’audition du jeune homme qui a tué son beau-père fin 2017 à Dalheim. Il clame la légitime défense. Mais l’absence de ses traces de sang au rez-de-chaussée de la maison familiale interroge…
Le 22 décembre 2017, Ernol D., âgé alors de 23 ans, a planté un couteau dans le cœur de son beau-père à Dalheim. Le jeune homme, qui comparaît depuis début février devant la 13e chambre criminelle, parle d’un acte de légitime défense. À l’arrivée de la police, il présentait quatre blessures au torse : deux coupures et deux égratignures. Le beau-père, lui, a succombé à ses blessures.
Impossible de donner la chronologie de cette altercation mortelle en se basant sur les traces de sang recueillies au domicile familial. Mais l’absence de sang dans les escaliers étonne toutefois l’expert en morphoanalyse des traces de sang. «Je n’ai aucune trace qui témoigne d’une quelconque blessure sur Ernol D. au rez-de-chaussée. Les seules traces qui témoignent des blessures de l’accusé se trouvent à l’étage de la maison.» D’où l’hypothèse qu’Ernol D. ait pu s’y blesser lui-même…
Le procès avait été suspendu une petite semaine en attendant que l’expert français puisse revenir et répondre aux dernières questions de la défense. «Pourquoi n’y a-t-il pas de traces de sang au sol de la salle de bains à l’étage? Ne devrait-il alors pas y avoir de projections de sang s’il s’y est automutilé?», voulait ainsi savoir Me Philippe Penning mercredi après-midi, au 6e jour du procès. Ou encore : «L’un est touché au cœur et au bras, l’autre au torse… Ne parle-t-on pas de deux types de blessures différentes?» Ce qui pourrait expliquer l’absence de traces de sang d’Ernol D. dans les escaliers…
Premier blessé, dernier qui laisse ses traces?
Mais d’après l’expert, «le port de vêtements ralentit la dispersion du sang». Avant de s’écouler, le sang doit en effet d’abord s’imprégner dans les habits. «Et ici la victime, qui porte quatre couches de vêtements, saigne déjà dans le salon alors qu’elle n’est pas le premier blessé. Ernol D., pour sa part, qui ne porte qu’une chemise, ne saigne qu’à l’arrivée à l’étage.» Toujours d’après l’expert, cela est d’autant plus étonnant que, lors de la reconstitution, Ernol D. a parlé d’une lutte lors de laquelle il récupère l’arme de son beau-père. Donc il y aurait eu le temps que l’hémorragie s’installe et le sang s’écoule vite… Or les traces qui existent dans le salon sont toutes de son beau-père.
Mercredi, la chambre criminelle a aussi entendu le prévenu. Ernol D. campe sur sa position : il dit avoir d’abord été agressé par son beau-père avec le couteau. Il n’aurait fait que se défendre. «C’était comme un mauvais film», dira le prévenu pour parler de cette journée. «Je m’attendais à ce qu’il m’insulte, mais pas qu’il en vienne aux mains. Je ne pouvais anticiper qu’il se saisirait d’une arme blanche…»
Cette fin de matinée, il revenait à la maison après une longue nuit. À l’époque, plus rien n’allait : entre le climat familial tendu, sa consommation de drogues, ses études en droit qu’il avait arrêtées… Bref, peu après qu’il eut franchi le pas de la porte, sa mère lui aurait fait comprendre que cela suffisait et qu’il fallait qu’il quitte le domicile familial. Ernol D. explique avoir voulu confronter son beau-père aux propos de sa mère : «Je voulais savoir si ma mère exagérait ou si cela venait aussi bien de lui.»
«Arrête (…) Je pourrais te tuer maintenant»
Il s’attendait donc à ce que son beau-père lui dise ses quatre vérités. Mais à l’entendre, il n’y aurait pas eu que des insultes : «Il m’a pris, maîtrisé, et poussé contre la porte.» «Pour moi, c’est comme s’il m’étranglait», poursuit le prévenu. Sauf que d’après le médecin légiste aucune trace d’un quelconque étranglement. La présidente tentera de creuser : «Comment peut-on croire quelque chose qui n’a pas lieu? Il y a une différence entre prendre quelqu’un par le col ou étrangler quelqu’un.» Les traces ADN de son beau-père ont en effet pu être décelées sur le col de sa chemise.
«C’était mon impression qu’il voulait m’étrangler. Si a posteriori le médecin légiste constate qu’il n’y a pas eu de tentative d’étranglement, c’est parce que je me suis défendu», a répété Ernol D. à la barre. «Le danger s’avérait certain et réel», avait lâché l’étudiant en droit lors de son audition à la police. Il avait aussi parlé de «riposte proportionnée». «Une telle audition, je n’en ai jamais lu. On a l’impression que vous récitez votre manuel de droit sur la légitime défense», ne manquera pas de lui dire mercredi la présidente qui a épluché son audition. Mais il y a aussi la phrase devant le juge d’instruction qui l’a frappée : «J’ai dit « Arrête, tu viens de me blesser. Je pourrais te tuer maintenant ».»
L’audition du prévenu se poursuit ce jeudi après-midi.
Fabienne Armborst
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