Deux avis se sont affrontés ce mercredi au procès de l’incendiaire présumé. Le parquet et la défense, qui a plaidé l’acquittement, n’étaient pas sur la même longueur d’onde.
Le parquet a requis hier, une peine de 15 ans de réclusion criminelle à l’encontre de Hassan. Sa représentante n’a pas suivi les théories développées par la défense pour tenter de disculper le prévenu qui est suspecté d’avoir mis le feu à l’immeuble de rapport qu’il louait dans le but de toucher l’assurance et redresser ses affaires. Ironie du sort, s’il s’avérait coupable : il n’était pas aussi bien assuré qu’il le pensait. Les juges de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg trancheront le 12 novembre prochain.
Mercredi, son avocat a témoigné son «immense honneur de défendre un homme qui pendant les six années qu’a duré l’instruction, a vécu un enfer». Il répète que son client est innocent et plaide l’acquittement. «L’auteur d’un incendie, à moins d’être fou ou suicidaire, ne reste pas sur les lieux après avoir mis le feu», estime Me Fürst. Pour lui, le dossier manquerait de preuves directes contre son client et le procureur se baserait sur des présomptions pour prouver la culpabilité du prévenu «sans même avoir envisagé si d’autres hypothèses étaient possibles».
Le 28 juillet 2015, à 2 h 30, un incendie s’est déclaré au 2 rue Jean-Origer à Luxembourg. Hassan, seul occupant des lieux, avait été retrouvé sur le toit d’un immeuble voisin.
L’hypothèse soutenue par la défense est celle d’un tiers qui aurait mis le feu, le fameux webmaster. Contrairement à Hassan à qui on imputerait un mobile du crime «imaginaire et irréel», le webmaster aurait été guidé par la jalousie, avait-on appris mardi. L’avocat en veut pour preuve «des indices plus que troublants au dossier répressif» qui n’auraient, selon lui, pas été exploités. Et de revenir sur les lettres de menaces, les intimidations sur les réseaux sociaux, les courriers de chantage demandant à Hassan de racheter en bitcoins les disques durs et les fichiers comptables que le webmaster est suspecté par le prévenu d’avoir volés et copiés.
«La preuve directe et irréfutable de l’innocence» du prévenu, résiderait, affirme l’avocat, dans l’expertise graphologique des lettres de menaces et des tags retrouvés au rez-de-chaussée de l’immeuble après l’incendie. Mardi, un expert avait indiqué que ces écrits étaient de la main du webmaster. Il avait exclu que le prévenu ait pu les écrire pour détourner les soupçons.
Une expertise «achetée»
Expertise balayée par le parquet qui a demandé qu’elle soit écartée des débats, estimant qu’elle avait «été achetée» et était basée sur la copie d’un document attribué sans que l’on puisse en être certain au webmaster. «Les accusations hasardeuses de la défense ne tiennent pas la route», lance la procureure dans son réquisitoire. «Le prévenu était le seul à avoir un mobile.» «La société était un boulet dont il voulait se séparer» «pour repartir à zéro», a-t-elle estimé.
Hassan aurait mis en scène l’incendie pour le faire passer pour un complot à son encontre ou pour une tentative d’assassinat dont les auteurs et les mobiles auraient changé au fur et à mesure de l’avancement de l’instruction. Il y aurait d’abord eu l’État islamique, puis le rappeur luxembourgeois, puis les propriétaires de l’immeuble et enfin le rappeur luxembourgeois avec le webmaster. Me Fürst répond qu’à force de menaces, son client serait devenu paranoïaque et voyant que l’enquête piétinait, aurait exploré toutes les hypothèses possibles.
Le procureur trouve suspect que le feu ait brûlé les cartons contenant les documents comptables de la société du prévenu, voire que la plupart des éléments ayant servi à la commission du délit aient été trouvés «par hasard» par le ou les auteurs sur les lieux mêmes. Me Fürst y voit la preuve que l’incendie est l’œuvre de quelqu’un qui connaissait les lieux, donc du webmaster. La magistrate s’interroge : «Pourquoi le prévenu, s’il se savait menacé n’en a-t-il pas parlé à sa famille lors des écoutes téléphoniques et pourquoi n’a-t-il pas demandé de protection policière?» Son seul souci après les faits aurait été, selon elle, «de récupérer l’argent» de l’assurance et de licencier son personnel.
Pour elle, le prévenu aurait bien mis le feu à l’immeuble. Incendie qui s’est propagé à l’immeuble voisin habité par quatre personnes. Le code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de 15 à 20 ans de réclusion, remplacée par une peine de réclusion à vie quand les faits ont été commis de nuit. Elle a toutefois soulevé le dépassement du délai raisonnable comme circonstance atténuante et a requis une peine de 15 ans de réclusion à l’encontre de Hassan. Le prévenu n’ayant pas d’antécédents judiciaires, elle ne s’est pas opposée à un sursis partiel.
La défense a annoncé son intention de poursuivre le webmaster en justice.
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Sophie Kieffer