Hassan se débat pour échapper à la prison et à la ruine. Mardi, il a élaboré une nouvelle théorie réfutant les conclusions des enquêteurs.
Vers 2 h, dans la nuit du 28 juillet 2015, un incendie éclatait dans un immeuble de la rue Jean-Origer dans le quartier Gare à Luxembourg. L’unique occupant des lieux, Hassan, de victime, est devenu suspect puis inculpé. Tous les indices relevés par les enquêteurs révèlent une mise en scène des lieux. Le prévenu aurait volontairement mis le feu à l’immeuble pour tenter de toucher l’assurance et redresser ses affaires.
Depuis la semaine dernière, le quadragénaire se débat en indiquant être victime de représailles d’un rappeur luxembourgeois dont il aurait refusé de vendre les albums dans son commerce et de son ancien webmaster. L’État islamique a également été évoqué. L’homme d’affaires aurait reçu de nombreux courriers de menaces et des inscriptions insultantes ont été taguées au sol de son commerce la nuit des faits.
La défense a fait appel à un expert en écriture qui, hier, a démontré que courriers et inscriptions ont été rédigés par une même main – qui ne serait pas celle du prévenu – dans une écriture qu’il estime avoir été maquillée. L’auteur des lettres de menace, droitier, se serait entraîné à écrire de la main gauche. Il pourrait s’agir du webmaster, selon l’expert qui s’est basé pour son expertise sur une lettre attribuée par Hassan à ce dernier.
«Accusé d’un acte de lâcheté»
La procureur émet cependant un doute : «Vous avez basé votre expertise sur une lettre dont vous n’êtes pas certain de qui en est l’auteur.» Comme la présidente de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, elle aimerait comprendre pourquoi Hassan a fait procéder à cette expertise pour incriminer le webmaster plutôt que de comparer les messages de menaces à sa propre écriture pour tenter de se disculper.
Aucune réponse claire ne leur sera donnée. Hassan esquive, embrouille, enfume. Pendant près de deux heures hier, il a été pressé par la présidente de la chambre criminelle. Tantôt larmoyant, tantôt répondant à une question par une autre, tantôt donnant des leçons à la juge ou dénonçant des manipulations du dossier, le prévenu évite les réponses qu’il sait en sa défaveur. Lui qui risque gros – s’il est reconnu coupable, il encourt la prison à vie et le paiement d’au moins 1,87 million d’euros demandés par Bâloise Assurances pour les dégâts sur les deux immeubles touchés –, a déployé beaucoup d’énergie et de bagout pour démontrer son innocence.
«Je suis innocent», jure-t-il. «Je veux laver mon honneur. Je suis accusé d’un acte de lâcheté.» Et de promettre qu’il va démontrer que «le coupable idéal n’est pas le coupable idéal». Il aurait survécu à l’incendie «par chance» et grâce au «désenfumage», l’évacuation des fumées chaudes. Il tente ainsi de mettre à mal la théorie soutenue par les enquêteurs et l’expert en incendie qui ne lui laissaient guère de chances de survie ou alors avec de graves brûlures.
Quant à la possibilité qu’il puisse avoir mis le feu lui-même et que la situation lui aurait échappé ou comme l’avait évoqué un des enquêteurs, qu’il puisse avoir oublié son smartphone, Hassan brandit un vieux téléphone cellulaire et lance : «Je ne vais pas risquer ma vie pour un téléphone à 15 euros» et «pourquoi une personne dont l’entreprise n’a pas de difficultés financières risquerait sa vie pour 50 000 euros?».
La jalousie pour mobile
Le prévenu continue de privilégier la thèse du complot à son encontre par notamment son ancien webmaster, qu’il décrit comme un pauvre type à «la double personnalité» qui aurait agi par jalousie. Il aurait été jusqu’à mettre en scène le lieu des faits pour diriger les soupçons sur Hassan, explique ce dernier. «J’ai réfléchi tout le week-end», dit-il avant d’avancer une nouvelle théorie : «Les personnes ne sont pas passées par la porte d’entrée du magasin. Comment les enquêteurs sont-ils passés à côté de cela? C’est extraordinaire!»
Les enquêteurs estiment que la scène de crime a été maquillée et se basent, entre autres, pour le démontrer, sur un cylindre de serrure retrouvé dans le magasin. Si des individus étaient entrés par effraction dans le magasin cette nuit-là, le bruit produit par le perçage de la serrure aurait dû être entendu à la ronde.
Le prévenu explique que, selon lui, un complice en interne a dû au préalable déverrouiller une des fenêtres du premier étage pour permettre à ses complices d’accéder au bâtiment en escaladant la gouttière. Ils auraient trouvé les clés du bâtiment dans la cuisine du premier étage où il avait l’habitude de les déposer et auraient ouvert la porte du commerce au webmaster pas assez souple pour passer par la fenêtre. Ils auraient ensuite procédé à la mise en scène.
Pour Hassan, les bonnes personnes ne seraient pas sur le banc des accusés. «Si nous arrivons à la conclusion que ce n’est pas vous qui avez mis le feu, alors il y aura acquittement», prévient la présidente de la chambre criminelle. Cet après-midi, Me Fürst plaidera la cause du prévenu avant que la représentante du parquet ne procède au réquisitoire.
Sophie Kieffer