Quarante enfants figurent parmi 51 personnes tuées jeudi dans le nord du Yémen lors d’un raid aérien attribué à la coalition anti-rebelles sous commandement saoudien, qui a suscité une vague de réprobation internationale, selon un nouveau bilan mardi de la Croix-Rouge. Ce bilan vient rappeler le lourd tribut payé par les civils dans un conflit qui dure depuis plus de trois ans sans perspective de solution en vue.
La plupart des morts ont été enterrés lundi après des funérailles organisées par les rebelles Houthis, soutenus par l’Iran, dans leur fief de Saada, dans le nord du Yémen. La cérémonie, encadrée par des combattants Houthis, a donné lieu à une manifestation au cours de laquelle des milliers de partisans des insurgés ont dénoncé tour à tour l’Arabie saoudite, les Etats-Unis et les autres membres de la coalition.
Au début des funérailles, les cercueils, recouverts d’un tissu vert, couleur symbole du martyre, et des portraits des jeunes victimes, ont été alignés au sol pour la prière des morts. Ils sont arrivés sur une grande place de Saada à bord d’une cinquantaine de véhicules. Au milieu d’une vaste étendue aride, la foule a brandi les portraits des jeunes enfants sur des pancartes accompagnées de leur nom et de la mention « martyr ». « Le massacre des écoliers de Dahyan », pouvait-on lire également.
La foule avait crié auparavant des slogans anti-américains et anti-israéliens et dénoncé un « crime des Saoudiens contre l’enfance yéménite ». Un haut responsable rebelle, Mohammed Ali al-Houthi, qui préside un « Comité révolutionnaire », a participé à la cérémonie. Il a dénoncé un « crime de l’Amérique et de ses alliés contre les enfants du Yémen ».
Émoi
Mardi, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a donné un nouveau bilan de la tragédie, dans un bref communiqué publié par sa représentation à Sanaa. Le nombre de morts a atteint les 51, dont 40 enfants, et celui des blessés les 79, dont 56 enfants, a précisé le texte. Ce nouveau bilan recoupe celui donné par les rebelles Houthis qui ont dénoncé un « massacre » commis par l’aviation saoudienne. Dans un premier temps, le CICR avait parlé de la mort d’au moins 29 enfants âgés de moins de 15 ans dans une frappe aérienne contre leur bus sur un marché très fréquenté de Dahyan, dans la province de Saada.
Cette frappe a suscité l’émoi et des appels notamment de l’ONU et de Washington à l’ouverture d’une enquête. La coalition a ainsi annoncé vendredi une enquête, évoquant des « dommages collatéraux subis par un bus de passagers » à l’occasion d’une opération menée par ses forces. Plus tard, le Conseil de sécurité de l’ONU appelait à une enquête « crédible », sans toutefois exiger une enquête indépendante, comme l’avaient demandé le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres et les Pays-Bas notamment.
« Nous avons vu les images des enfants qui sont morts », avait déploré l’ambassadrice adjointe des Pays-Bas à l’ONU, Lise Gregoire-van Haaren. La coordinatrice humanitaire de l’ONU pour le Yémen, Lise Grande, avait elle dénoncé un acte « horrible et totalement inacceptable », appelant à ouvrir les yeux sur ce qui se passe au Yémen ».
« Sale guerre »
La coalition a été accusée d’avoir commis de nombreuses bavures contre des civils. Elle en a reconnu certaines, mais accuse régulièrement les Houthis de se mêler aux civils ou de les utiliser comme boucliers humains. En septembre 2015, une salle de mariage a été touchée. Il y a eu 131 morts et la coalition a démenti toute implication. En octobre 2016, le bombardement d’une cérémonie funéraire à Sanaa a causé la mort de 140 personnes.
Lundi, le ministre d’Etat émirati aux Affaires étrangères, dont le pays est un pilier de la coalition, a admis que des bavures pouvaient se produire. « Cette guerre a été et reste une sale guerre » où des civils sont bombardés et tués, a déclaré Anwar Gargash lors d’une conférence de presse.
La guerre au Yémen a fait quelque 10 000 morts depuis l’intervention de la coalition sous commandement saoudien en mars 2015 en soutien aux forces gouvernementales contre les rebelles Houthis. Elle a provoqué « la pire crise humanitaire » au monde, selon l’ONU.
Le Quotidien/AFP