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Tuntange : «Le mouton, c’était la vache du pauvre»


Marie-Josée sur son métier à tisser, où elle réalise des torchons pour un couple qui veut les assortir à sa nouvelle cuisine. (Photo : Didier Sylvestre)

Pourquoi élever des moutons au Luxembourg? Réponse en vêtements, bijoux et objets décoratifs, de Marie-Josée Hoffmann-Welsch, qui exprime à travers cette activité ancestrale sa grande créativité.

Être berger au Luxembourg, c’est un peu comme être vendeur de glace au Groenland : ce n’est pas vraiment le pays auquel on penserait spontanément pour ce genre d’activité.

Mais même dans un pays où les vastes alpages se font plutôt rares, une réputation des bergers se vérifie : ce sont de bons marcheurs! Il suffit de regarder Jean-Paul partir à la recherche de son troupeau : en quelques minutes, on ne le voit déjà plus! Mais Marie-Josée Hoffmann-Welsch, sa femme, est confiante : «Les moutons viennent plus facilement vers lui que vers moi, car maintenant qu’il est retraité, il s’en occupe davantage», rit-elle.

«J’ai une fille qui ne mange pas de viande…»

Nous sommes à Tuntange, dans un de ces villages champêtres qui font tout le charme du Luxembourg. La maison de Marie-Josée est à la fois sa ferme familiale, sa bergerie, mais aussi son atelier et sa boutique. Cette femme touche-à-tout a en effet créé un «Wollatelier» où elle transforme la laine de ses moutons en bijoux, vêtements, objets décoratifs.

Tout est parti d’une remarque de son mari Jean-Paul, il y a quelques décennies de cela : «Mes parents avaient une exploitation traditionnelle, avec des vaches, des porcs, etc. Mon mari me disait souvent « pourquoi tu ne prends pas des animaux plus petits, qui te demandent moins de temps? »» Le mouton remplit certes ces conditions, mais il s’agissait tout de même d’un choix difficile : «Dans le temps, le mouton était mal vu. C’était la vache du pauvre, quand on ne pouvait s’offrir mieux, notamment pendant la guerre…» Si elle estime que ce «regard sur l’élevage de moutons a changé», l’animal reste rare dans nos campagnes.

Ceux de la ferme de Tuntange, eux, ne doivent pas se plaindre. Déjà, ils ont de l’espace à disposition, puisque la ferme s’étend sur plusieurs terrains aux alentours. «Ça, c’est un luxe, c’est vrai. En plus, pas besoin de couper l’herbe, les moutons le font très bien!» Et nos deux bergers sont aux petits soins pour la petite cinquantaine de moutons (dont une mère qui a eu récemment quatre petits) : «Je préfère en avoir peu, mais qu’ils soient heureux. Il ne faut pas chipoter, il leur faut une bonne nourriture, une bonne litière, de l’espace…» D’ailleurs, «j’ai une fille qui ne mange pas de viande… sauf celle de nos moutons! Elle dit que c’est parce qu’elle sait qu’ils ont une belle vie ici». À noter que l’abattage se fait à Ettelbruck, et que la ferme vend sa viande en automne et en hiver.

Les moutons n’ont pas été choisis au hasard : ils sont originaires de l’île du Texel (Pays-Bas), qui leur a donné leur nom. Une race ancienne et rustique, adaptée à l’élevage en plein air, et connue pour sa production de laine et de viande. «On les tond une fois par an, chaque mouton donnant environ 3 kg de laine.»

Une robe sans aucune couture

C’est alors que Marie-Josée peut s’adonner à sa passion. Pour mieux nous expliquer, elle nous guide jusqu’à son grenier où, surprise, on découvre un vrai musée du tissage! Mais pas un musée poussiéreux : ses métiers à tisser, dont certains ont vu défiler plusieurs générations de petites mains, sont toujours en action. Elle nous montre d’impressionnants ouvrages où des centaines de fils tissent une toile complexe. «Sur ce métier, je fais des torchons pour un couple qui veut assortir ses torchons à la couleur de sa nouvelle cuisine.» Elle nous montre une autre machine : «Celle-ci vient d’Allemagne de l’Est, je l’ai achetée quand le Mur de Berlin est tombé.»

À côté, elle stocke de volumineux classeurs. En les ouvrant, elle révèle des dizaines d’esquisses, de patrons, d’essais de couleurs… «Ce sont mes archives, comme ça je sais comment reproduire une chose des années après.»

On redescend d’un étage, là où elle a installé sa petite boutique. Notre regard est attiré par une étrange veste : «C’est une veste réalisée d’une seule pièce. Oui, sans couture! Même les poches intérieures et extérieures.» Puis des robes aux couleurs et motifs floraux : «Je les colore avec des teintures naturelles. Et je fais aussi des impressions avec des plantes de nos jardins. Celle-ci par exemple, j’ai utilisé des feuilles de rosier.» Sans oublier des bijoux et des objets décoratifs, comme ces galets en laine plus vrais que nature.

Voilà comment Marie-Josée et Jean-Paul valorisent une ressource presque oubliée au Luxembourg, avec une exploitation à échelle humaine. Car la petite ferme de Tuntange est peut-être moins impressionnante que certaines cathédrales d’acier où s’entasse le bétail, mais pour ces moutons, c’est certainement une ferme de luxe!

Wollatelier an Schofshaff
10, rue de Luxembourg
L-7480 Tuntange
Tél. : 23 63 05 27

Romain Van Dyck

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