La tension reste palpable dimanche à Jérusalem-Est, secteur de la ville sainte annexé par Israël où les pires heurts enregistrés depuis des années entre manifestants palestiniens et policiers israéliens ont fait plusieurs centaines de blessés ces derniers soirs, ravivant les craintes d’embrasement.
Vendredi soir, plus de 220 personnes, majoritairement des Palestiniens, ont été blessés lors de heurts sur l’esplanade des Mosquées entre policiers israéliens et fidèles palestiniens réunis pour l’iftar, repas de rupture du jeûne du ramadan.
Appelée Noble sanctuaire par les musulmans et mont du Temple par les juifs, l’esplanade des Mosquées est le troisième lieu saint de l’islam et le site le plus sacré des juifs. Samedi soir, de nouveaux heurts ont eu lieu mais dans les secteurs de la porte de Damas, Bab al-Zahra et Cheikh Jarrah faisant environ une centaine de blessés, dont des mineurs, selon le Croissant-Rouge palestinien. La police israélienne a, elle, fait état de 17 policiers blessés et de neuf arrestations.
Selon les secouristes, la majeure partie des blessées ont été atteints par des balles en caoutchouc ou des grenades assourdissantes. Les forces de l’ordre israéliennes ont utilisé aussi un canon à eau putride afin de disperser des Palestiniens dont certains lançaient des projectiles sur les policiers.
Dimanche matin, l’esplanade des Mosquées était relativement calme, mais la tension restait palpable dans la Vieille Ville, les heurts intervenant toutefois en fin de journée, voire en soirée après la rupture du jeûne.
Protestations quotidiennes
Dans le quartier de Cheikh Jarrah, théâtre de protestations quotidiennes depuis plusieurs jours contre la possible éviction de familles palestiniennes au profit de colons israéliens, des Palestiniens sont de nouveau descendus dans la rue samedi soir et lancé des pierres sur les forces de l’ordre israéliennes. Celles-ci ont dit avoir arrêté deux personnes pour avoir usé de « gaz poivre » contre leurs agents. La police avait indiqué plus tôt dans la journée avoir limité l’accès à la Vieille ville de Jérusalem-Est pour empêcher les Palestiniens de « participer à des émeutes violentes ». Un bus venant du sud de Jérusalem a ainsi été stoppé et certains des passagers palestiniens ont été interpellés par la police.
Depuis des semaines, les tensions sont vives aussi en Cisjordanie, autre territoire palestinien occupé par Israël où des manifestations ont eu lieu contre les restrictions d’accès imposées par l’État hébreu à certains secteurs durant le ramadan et la possible éviction de Palestiniens de Cheikh Jarrah.
Le Hamas, mouvement islamiste palestinien qui contrôle la bande de Gaza, a appelé les Palestiniens à rester sur l’esplanade jusqu’à jeudi – jour devant marquer la fin du ramadan – et menacé Israël d’attaques si la Cour suprême validait les évictions de Cheikh Jarrah (NDLR : l’audience prévue lundi a été repoussée, lire encadré). Dans la bande de Gaza, les soldats israéliens ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants palestiniens rassemblés près de la barrière de séparation érigée par Israël dans cette enclave de deux millions d’habitants sous blocus. Des ballons incendiaires ont en outre été tirés samedi soir depuis Gaza vers le sud d’Israël, mais sans faire de dégâts selon les autorités israéliennes. Et une roquette a été lancée tôt dimanche matin depuis Gaza « vers le territoire israélien », a indiqué l’armée disant que son aviation avait riposté en frappant « un poste militaire du Hamas » dans le sud de la bande de Gaza.
Appels au calme
A propos des heurts à Jérusalem-Est, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a averti dimanche en Conseil des ministres qu’Israël « continuera d’assurer la liberté de culte mais n’autorisera pas des émeutes violentes » et qu’il « réagira avec force ».
Lors d’un message dominical après la prière, le pape François a appelé dimanche à la fin des violences à Jérusalem : « La violence engendre seulement la violence. Arrêtons ces heurts ». Après les violences de vendredi, les Etats-Unis ont appelé « responsables israéliens et palestiniens à agir pour mettre un terme à la violence ». Chef de file des monarchies arabes du Golfe, l’Arabie saoudite a dénoncé ces possibles expulsions. L’Iran, la Tunisie, le Pakistan, la Turquie, la Jordanie, ou encore l’Égypte ont condamné les agissements israéliens. Le Maroc a dit dimanche suivre avec une « profonde inquiétude » les violences. Exprimant sa « profonde préoccupation » à la suite des violence à Jérusalem, le quartette pour le Proche-Orient (USA, Russie, ONU, UE) a appelé Israël à faire preuve de « retenue ».
A l’ONU, la Tunisie, membre du Conseil de sécurité, a demandé la tenue d’une session du Conseil lundi sur la situation dans les territoires palestiniens occupés.
LQ/AFP
La justice repousse l’audience
La justice israélienne a annoncé dimanche le report d’une audience clé, prévue lundi, sur le sort de familles palestiniennes menacées d’éviction par des colons israéliens à Jérusalem-Est.
« A la lumière du contexte actuel, et à la demande du procureur général, l’audience prévue demain a été annulée », a indiqué le ministère de la Justice dans un communiqué, précisant qu’une nouvelle date allait être annoncée « d’ici les 30 prochains jours ».