Le parquet suédois a déposé lundi une demande de placement en détention du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, déjà emprisonné en Grande-Bretagne, en vue de l’émission d’un mandat d’arrêt européen à son encontre pour un viol présumé commis en Suède en 2010.
Une semaine après la réouverture de l’enquête criminelle visant l’Australien, la procureure en charge de l’instruction Eva-Marie Persson a demandé au tribunal « le placement en détention d’Assange en son absence » – une procédure légale en Suède – « en raison de soupçons de viol ». La demande a été déposée auprès du tribunal d’Uppsala, qui doit statuer lors d’une audience dont la date n’a pas encore été fixée. Eva-Marie Persson a précisé que si la demande de placement en détention était acceptée, elle émettrait un mandat d’arrêt européen afin d’obtenir le transfèrement en Suède de Julian Assange.
Selon l’avocat de ce dernier, qui n’a pas eu de contact avec son client depuis son arrestation à Londres en avril, l’audience n’aura probablement pas lieu cette semaine. « J’ai écrit au tribunal (d’Uppsala) pour leur signifier qu’ils ne peuvent pas procéder à l’audience préalable au placement en détention avant que j’aie pu rencontrer mon client et reçu ses consignes. Depuis qu’il est incarcéré à Londres, je n’ai même pas encore réussi à établir un contact par téléphone », a déclaré Per E Samuelson.
Issue « impossible à prévoir »
La réouverture de l’enquête suédoise le 13 mai a relancé un feuilleton judiciaire qui dure depuis près d’une décennie, pendant laquelle Julian Assange et ses soutiens n’auront eu de cesse de dénoncer une manœuvre destinée à le faire extrader vers les États-Unis pour y répondre des fuites de documents secrets américains. Après avoir passé presque sept ans reclus dans l’ambassade équatorienne d’un quartier chic de Londres, l’Australien de 47 ans a été interpellé le 11 avril, avec l’autorisation de Quito, apparaissant vieilli et affaibli. Il a été condamné à 50 semaines de prison pour avoir violé les conditions de sa liberté surveillée en se réfugiant dans cette ambassade en 2012, pour éviter d’être remis à la Suède pour deux affaires d’agressions sexuelles, dont l’une a été frappée par la prescription.
Le fondateur de WikiLeaks est aussi sous le coup d’une demande d’extradition des Etats-Unis, pour la publication par son site Wikileaks de nombreux documents confidentiels. Selon Mme Persson, « dans l’éventualité d’un conflit entre le mandat d’arrêt européen et une demande d’extradition de la part des États-Unis, les autorités britanniques décideront sur l’ordre de priorité. L’issue de ce processus est impossible à prévoir ».
Méthodes douteuses
WikiLeaks avait diffusé fin juillet 2010 quelque 70 000 documents confidentiels sur les opérations de la coalition internationale menée par les États-Unis en Afghanistan, puis en octobre suivant 400.000 rapports concernant l’invasion américaine en Irak et, un mois plus tard, le contenu de quelque 250 000 câbles diplomatiques américains. Mais dès 2011, les cinq journaux (dont The New York Times, The Guardian et Le Monde) associés à WikiLeaks avaient condamné les méthodes douteuses de la plateforme, qui rend publics des télégrammes du département d’État américain non expurgés. Ils estimaient que les documents étaient susceptibles de « mettre certaines sources en danger ».
La critique sera également formulée par le lanceur d’alertes Edward Snowden et bien d’autres, concernant ces documents et d’autres diffusés depuis. Aujourd’hui, seul un noyau dur lui est resté fidèle. Tandis que la justice suédoise avait abandonné les poursuites en 2017, faute de pouvoir faire avancer l’enquête pour viol, l’arrestation spectaculaire d’Assange à Londres avait ravivé l’espoir de la plaignante et de son avocate de le voir remis à la Suède en vue d’un procès avant la prescription en août 2020.
Âgée d’une trentaine d’années à l’époque des faits, la plaignante avait rencontré son agresseur présumé lors d’une conférence de WikiLeaks à Stockholm. Elle l’accuse d’avoir engagé un rapport sexuel dans la nuit du 16 au 17 août, pendant qu’elle dormait et sans préservatif, alors qu’elle lui avait à plusieurs reprises refusé tout rapport non protégé. Julian Assange a toujours soutenu qu’elle était consentante et avait accepté de ne pas utiliser de préservatif.
LQ/AFP