Accueil | Monde | Urgence « extrême » face à la famine au Nigeria

Urgence « extrême » face à la famine au Nigeria


Cette photo prise le 30 juin montre un jeune garçon souffrant de malnutrition aiguë dans une clinique de l'UNICEF, au camp de Muna qui abrite près de 16000 personnes déplacées dans la périphérie de Maiduguri au nord-est du Nigeria. (photo AFP)

Les organisations humanitaires ont besoin de financements d’urgence pour secourir des milliers de personnes menacées par la famine dans le nord-est du Nigeria, en proie aux violences du groupe islamiste Boko Haram, selon le coordonnateur humanitaire régional de l’ONU pour le Sahel, Toby Lanzer.

Après une tournée dans l’Etat de Borno, épicentre de l’insurrection, il s’est dit « horrifié » par la situation de la population des villes de Bama, de Dikwa et de Monguno. « J’ai travaillé dans de nombreux endroits – la Centrafrique, le Darfour, le Soudan du Sud – et la situation des populations vivant dans les zones très rurales de l’Etat du Borno figurent parmi les pires que j’ai eu à connaître », a-t-il déclaré depuis le Cameroun, dans un entretien par téléphone.

« Il y a une urgence extrême », 220 millions de dollars (200 millions d’euros) sont nécessaires pour « maintenir les gens en vie » dans ces zones lors des dix prochaines semaines, a-t-il ajouté.

L’économie du Nigeria, premier producteur de pétrole d’Afrique, est durement frappée par la chute des cours mondiaux du brut et le pays n’a pas les moyens d’en faire plus financièrement pour aider ces populations, prévient-il. Et il est difficile pour les ONG d’accéder à Bama (à 70 kilomètres de Maiduguri, la capitale de l’Etat de Borno) à cause des risques d’embuscade toujours importants.

Mais selon Médecins sans frontières (MSF) qui a pu récemment se rendre sur place, au moins 188 personnes sont mortes, principalement de diarrhée et de malnutrition dans un camp de cette ville entre le 23 mai et le 22 juin. Et d’après l’Unicef, 250.000 enfants de moins de cinq ans vont souffrir de malnutrition sévère extrême dans l’Etat de Borno cette année, dont 50.000 risquent même de mourir si rien n’est fait.

Dans un camp de Banki, à 60 km de Bama, « la situation des gens est atroce », a déclaré Toby Lanzer, se basant sur le témoignage d’une équipe de l’ONU qui a réussi à s’y rendre malgré les difficultés d’accès. « Des dizaines de personnes meurent chaque jour de malnutrition. Nous estimons qu’il y a là 15.000 personnes et que sur ce nombre cinq meurent chaque jour au moment où nous parlons », dit le responsable onusien.

Le spectre de la famine

Vendredi dernier, l’organisation Famine Early Warning Systems Network (FEWS NET), financée par l’aide publique américaine, a estimé qu' »une famine pourrait se produire dans les poches les plus touchées et les moins accessibles de l’Etat ».

La famine est déclarée quand au moins 20% d’une population souffre d’une manque aigu de nourriture, qu’au moins 30% des enfants souffre de grave malnutrition et que le taux de mortalité quotidien dépasse les 2/10.000.

M. Lanzer a ajouté que 4,4 millions de gens dans le Nord-Est du Nigeria, dont 431.000 dans l’Etat de Borno se trouvent dans une situation alimentaire critique, « un degré en dessous » de la famine. « En vingt ans de missions dans ce genre d’endroits je n’ai jamais vu de famine. Je ne veux pas que ça m’arrive. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour l’éviter », assure-t-il.

Les fonds, s’ils sont réunis, sont destinés à l’approvisionnement en eau potable, médicaments, couvertures et vivres, précise-t-il, tout en félicitant les Nigérians pour leurs efforts sous forme d’aide alimentaire d’urgence (10.000 tonnes), de visas aux agences internationales et de facilités douanières. Il reconnait que la relative faible mobilisation des gouvernements étrangers est due à la mauvaise réputation du Nigeria, première économie d’Afrique.

Mais, avertit-il, si rien n’est fait, « des milliers de gens vont mourir ». « Je pense que la communauté internationale s’est montrée très hésitante jusqu’à présent à s’engager à un niveau visible. Mais nous en sommes maintenant au stade où nous devons passer à la vitesse supérieure ».

Le Quotidien / AFP