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Scandale à la Fifa : une « guerre du foot » entre la Russie et les États-Unis ?


Vladimir Poutine et Sepp Blatter en juillet dernier, à Rio, pour le passage de flambeau en vue de la Coupe du monde 2018. (Photo DR)

Adversaires sur le champ de bataille ukrainien, Moscou et Washington le sont désormais sur le terrain du football après les accusations lancées par Vladimir Poutine contre les Etats-Unis et leur stratégie pour empêcher la réélection de Joseph Blatter à la tête de la Fifa. Une situation qui soulève quelques similitudes avec la fameuse « guerre du foot » entre le Honduras et le Salvador dans les années 60.

Nous somme le 8 juin 1969 à Tégucigalpa et un climat très tendu règne sur la pelouse dans ce match où le Honduras et le Salvador se disputent une place pour la Coupe du monde. Alors que les tensions entre les deux pays sont de plus en plus importantes, cet événement sportif va déclencher une guerre qui va faire près de 2000 morts et des milliers de blessés.

Une discorde datant de plusieurs années et qui dépasse bien évidemment le simple cadre du football. En effet, suite à la création d’un marché commun centraméricain par les États-Unis en 1960, le Honduras considérait cette décision comme un cadeau fait au Salvador, plus industrialisé.

Les Honduriens avaient alors le sentiment d’être colonisés économiquement par leur voisin avec environ 70% de produits manufacturés par le Honduras en provenance du Salvador. De plus, les Salvadoriens étaient très nombreux sur une faible superficie alors que les Honduriens bien moins peuplés disposaient d’un territoire six fois plus grand.

Tensions économiques et démographiques

Une situation qui poussa de nombreux migrants salvadoriens de l’autre côté de la frontière. Le gouvernement hondurien mit alors en place une réforme agraire visant à confisquer les terres occupées par les clandestins salvadoriens.

Une décision qui va faire monter un peu plus la pression jusqu’au déroulement de ces deux matchs de football qui seront finalement le déclenchement d’une guerre de quatre jours faisant des milliers de morts et de blessés.

C’est dans ce contexte particulièrement tendu entre les deux nations que le 8 juin 1969 l’équipe du Honduras s’impose sur le score de 1 but à 0. Une défaite vécue comme comme une véritable offense par le peuple salvadorien au point qu’une jeune supportrice se donne la mort quelques heures après le match.

Au match retour la semaine suivante, et après avoir été emmenés au stade dans des véhicules blindés, les honduriens s’inclinent sur le score de 3 buts à 0. Un match durant lequel deux supporters hoduriens trouvent la mort lors d’incidents avec les supporters adverses.

Suite à cela, un match d’appui remporté par le Salvador est organisé à Mexico afin d’apaiser les tensions mais le lendemain, l’armée salvadorienne mène une attaque aérienne contre l’aéroport de Tégucigalpa et déclenche ce que l’on a ensuite nommé la « guerre du football ».

Le football à nouveau au centre de tensions diplomatiques

Le scandale qui a explosé concernant la Fifa suscite de nombreuses réactions politiques depuis que la ministre américaine de la Justice, Loretta Lynch, a pris la tête de l’offensive anti-corruption.

Une situation qui ravive un climat de guerre froide autour du ballon rond : jeudi, Vladimir Poutine, dont le pays doit accueillir le prochain Mondial en 2018, a accusé les Etats-Unis de vouloir « empêcher la réélection » de Sepp Blatter.

« Il s’agit d’une violation très grossière des règles de fonctionnement des organisations internationales », a fustigé le président russe à la télévision nationale, reprochant à Washington d' »imposer sa juridiction aux autres » dans une affaire où « aucun des fonctionnaires (de la Fifa) n’est américain » et où « aucun fait ne s’est produit aux Etats-Unis ».

L’Afrique du Sud, elle, a rejeté jeudi les accusations de corruption pour l’attribution du Mondial 2010, assurant que le pays avait « reçu un audit impeccable ».

D’autres dirigeants politiques ont réagi au scandale. Le Premier ministre britannique David Cameron a appuyé la Fédération anglaise (FA), qui soutient la candidature du prince Ali.

La France a quant à elle demandé le report de l’élection, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, sur France Inter. François Hollande a pour sa part insisté sur la nécessité pour les organisations sportives d’être « incontestables ».

Le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, a estimé de son côté que les pouvoirs publics devraient intervenir dans le scandale de corruption présumée au sein de la Fifa si les instances du football échouaient à faire toute la lumière.

Une situation qui soulève de nombreuses réactions

Face à ces déclarations les internautes sont depuis très nombreux à exprimer leur inquiétude sur les réseaux sociaux, ou du moins leurs interrogations quant à l’issu de cette affaire.

 

Vers une nouvelle guerre froide ?

Le président russe, dont les relations avec Washington sont plombées par le conflit en Ukraine vient donc d’amener l’élection de Blatter sur le terrain de la confrontation politique.

Si ce dernier n’est pas élu, cette situation sera présenté en Russie comme un crime de plus des États-Unis contre le football et surtout contre les alliés de la Russie.

Si nous ne sommes pas encore au cœur d’une nouvelle guerre du football, cette situation ressemble de loin à l’émergence de la toute première guerre froide du ballon rond !

Mathieu Rosan/AFP