Le président américain Donald Trump a tranché mardi sur l’accord nucléaire iranien qu’il a décidé de quitter, ouvrant une période de vives tensions avec ses alliés européens et d’incertitudes quant aux ambitions atomiques de Téhéran.
Quinze mois après son arrivée au pouvoir, Donald Trump se met donc à dos une grande partie de la communauté internationale en remettant en cause ce texte conclu en 2015 après 21 mois de négociations acharnées. Le président américain, qui n’a eu de cesse de dénoncer l’ « horrible » accord conclu par Barack Obama, va en outre rétablir contre l’Iran toutes les sanctions qui ont été levées après la conclusion de cet accord, et imposer de nouvelles sanctions financières.
Il s’exprimait depuis la « Diplomatic Room », à la Maison Blanche. Une allocution observée avec attention au Moyen-Orient où beaucoup redoutaient une escalade avec la République islamique mais aussi de l’autre côté de planète, en Corée du Nord, à l’approche du sommet entre Donald Trump et Kim Jong Un sur la dénucléarisation de la péninsule.
Macron prévenu auparavant
Des sources européennes ont indiqué auparavant que l’UE avait été informée que Donald Trump allait retirer les États-Unis de l’accord, mais ont précisé qu’il était possible qu’il décide de maintenir la suspension de certaines sanctions. Tous les signataires ont défendu jusqu’au bout ce compromis qu’ils jugent « historique », soulignant que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a régulièrement certifié le respect par Téhéran des termes du texte censé garantir le caractère non militaire de son programme nucléaire.
« Nous sommes tout à fait déterminés à sauver cet accord parce qu’il nous préserve de la prolifération nucléaire », avait réaffirmé lundi le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian. Son homologue allemand Heiko Maas avait, lui, redouté « qu’un échec ne conduise à une escalade » au Moyen-Orient.
A quelques heures de son discours, le locataire de la Maison Blanche s’est entretenu avec son homologue français Emmanuel Macron, avec lequel il est en désaccord frontal sur ce dossier. Les deux dirigeants ont évoqué les questions relatives « à la paix et à la stabilité au Moyen-Orient », s’est borné à indiquer l’Élysée dans un communiqué laconique. Selon le New York Times, le président américain a surtout prévenu son homologue français de ses intentions.
Un peu plus tôt, Trump s’en est une nouvelle fois pris à l’ancien secrétaire d’État John Kerry, principal négociateur de ce texte signé par Téhéran et les grandes puissances (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni, Allemagne). « John Kerry ne peut se remettre du fait qu’il a eu sa chance et qu’il l’a laissée passer ! », a-t-il ironisé, dans un tweet. « Reste à l’écart des négociations John, tu fais du mal à ton pays », a-t-il ajouté en référence aux discussions récentes de ce dernier avec plusieurs acteurs du dossier.
John Kerry can’t get over the fact that he had his chance and blew it! Stay away from negotiations John, you are hurting your country!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 8 mai 2018
Répercussions difficiles à prédire
En janvier, le magnat de l’immobilier avait lancé un ultimatum aux Européens, leur donnant jusqu’au 12 mai pour le « durcir » sur plusieurs points. En ligne de mire : les inspections de l’AIEA; la levée progressive, à partir de 2025, de certaines restrictions aux activités nucléaires iraniennes, qui en font selon lui une sorte de bombe à retardement; mais aussi le fait qu’il ne s’attaque pas directement au programme de missiles balistiques de Téhéran ni à son rôle jugé « déstabilisateur » dans plusieurs pays du Moyen-Orient (Syrie, Yémen, Liban…). A l’unisson avec son « ami » Trump, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a poussé pour un changement de fond en comble ou à défaut l’annulation de l’accord conclu avec l’Iran.
Paris, Londres et Berlin, qui ne juraient il y a encore quelques mois que par cet accord – tout l’accord mais rien que l’accord – ont joué le jeu en négociant avec les diplomates américains des solutions à ces préoccupations.
L’annonce de mardi va avoir des répercussions encore difficiles à prédire. Les Européens ont fait savoir qu’ils comptent rester dans l’accord quoi qu’il advienne. Mais que vont faire les Iraniens ? Pour l’instant, Téhéran, où cohabitent des ultraconservateurs autour du guide suprême Ali Khamenei et des dirigeants plus modérés autour du président Hassan Rohani, ont soufflé le chaud et le froid.
Le Quotidien/AFP