Plusieurs désaccords « substantiels » entre l’Union européenne et le Royaume-Uni pourraient remettre en cause la phase de transition réclamée par Londres après le Brexit, a mis en garde vendredi le négociateur en chef de l’UE Michel Barnier.
« Compte tenu de ces désaccords, la transition n’est pas acquise », a averti Michel Barnier au cours d’une conférence de presse à Bruxelles, concluant une nouvelle série de discussions, à un niveau technique, entre les deux camps. Le Français, qui était lundi à Londres pour rencontrer son homologue britannique David Davis et la Première ministre Theresa May, a affirmé avoir « des difficultés à comprendre » les divergences de positions « puisque c’est le Royaume-Uni lui-même qui a demandé une période de transition ».
L’UE de « mauvaise foi »
« Le Royaume-Uni a insisté pour trouver sur cette période de transition un accord en mars, mais dans le même temps nos interlocuteurs nous ont fait part d’un certain nombre de désaccords que je considère comme substantiels », a expliqué Michel Barnier. L’UE demande que pendant la période de transition, qu’elle souhaite voir s’étaler de la date du Brexit fin mars 2019 à la fin de l’année 2020, la législation européenne continue de s’appliquer pour le Royaume-Uni. Lequel ne serait plus associé aux décisions prises désormais à 27.
Le négociateur de l’UE a rejeté toute « mauvaise foi » dans les discussions, une accusation portée jeudi par le ministre du Brexit David Davis, lors d’une déclaration d’une virulence inhabituelle. « Il n’y a pas d’esprit de revanche, pas d’esprit de punition », a assuré Michel Barnier. En réponse, David Davis, qui s’est dit « surpris » par les propos du Français, a estimé qu’une « contradiction fondamentale » existait dans l’approche de la Commission européenne.
« Aujourd’hui, ils reconnaissent qu’il faut un moyen de résoudre les litiges et les infractions. Mais en même temps ils écartent l’effort du Royaume-Uni en vue de garanties raisonnables pour s’assurer que nos intérêts soient préservés », a réagi David Davis dans un court communiqué. Londres continue les négociations avec à l’esprit un objectif final : fonder un « partenariat exhaustif entre le Royaume-Uni et l’UE » pour « rester les amis et alliés les plus proches », a-t-il affirmé.
David Davis avait précédemment jugé « de mauvaise foi et peu judicieux » un document dévoilé mercredi par l’UE, qui fixe les règles à respecter par Londres pendant cette transition. Ce projet de texte prévoit la possibilité de sanctions, notamment « un mécanisme permettant à l’Union de suspendre certains bénéfices pour le Royaume-Uni découlant de sa participation au marché unique ».
Pas question de « rentrer dans ce jeu »
Invité à réagir, Michel Barnier a refusé de « rentrer dans ce jeu ». Il s’est concentré sur les trois points de divergence apparus pendant la semaine. Le premier concerne le droit des citoyens européens arrivés pendant la période de transition, et à qui Londres ne souhaite pas garantir les mêmes droits qu’à ceux arrivés avant le Brexit. En outre, le gouvernement britannique veut continuer de pouvoir s’opposer à de nouvelles règles votées pendant la période transitoire si elles ne lui conviennent pas. Enfin, en matière de justice et d’affaires intérieures, il souhaite avoir le choix de participer à de nouvelles initiatives européennes prises pendant la transition, a rapporté Michel Barnier.
« Surpris par ces désaccords », le négociateur en chef a insisté sur le fait que le Royaume-Uni devait accepter « les conséquences inéluctables » de son départ. L’UE quant à elle revendique la protection de « l’intégrité » de son marché unique pendant la période de transition, au cours de laquelle le Royaume-Uni continuera de participer au marché commun et à l’Union douanière. « Si ces désaccords devaient persister, il y aurait un problème à coup sûr. J’espère qu’on pourra lever ces désaccords dans les prochains rounds », a toutefois avancé le négociateur en chef de l’Union.
La question délicate de l’Irlande du nord a également été abordée pendant la semaine de discussions, l’UE et le Royaume-Uni cherchant à traduire en termes juridiques l’accord préliminaire trouvé en fin d’année sur les conditions du divorce. « C’est important de dire la vérité : la décision britannique de quitter le marché unique et l’Union douanière rendrait les contrôles à la frontière inévitables », a souligné Michel Barnier, alors que l’objectif reste de trouver une solution pour éviter le retour d’une frontière physique entre la province britannique et l’Irlande.
Le Quotidien/AFP