Les nouvelles sanctions américaines contre l’Iran ne menacent pas à court terme l’accord nucléaire iranien, mais nuisent au climat de coopération internationale et renforcent les camps des ultras à Téhéran comme à Washington, estiment experts et officiels.
En promulguant, début août, un projet de sanctions économiques contre l’Iran, le président Donald Trump a voulu marquer un nouveau durcissement des relations tendues depuis 37 ans entre Washington et Téhéran, même s’il n’a pas pour l’instant formellement remis en cause l’accord nucléaire, qu’il promettait pourtant de «déchirer» avant son élection. Ces nouvelles sanctions visent dix-huit personnes et entités liées au programme de missile balistique iranien et au corps des Gardiens de la révolution.
«Elles sont destinées à augmenter l’incertitude sur les marchés, pour que l’Iran considère que respecter l’accord ne lui rapporte rien», confie Ali Vaez, spécialiste de l’Iran à l’International Crisis Group. «En l’absence d’une claire stratégie iranienne, le but de l’administration Trump semble être de minimiser les dividendes que l’Iran peut tirer de l’accord de Vienne, et de maximiser les raisons pour lesquelles Téhéran pourrait être tenté d’en sortir le premier».
Pour Thierry Coville, spécialiste de l’Iran à l’Iris, «l’accord nucléaire lui-même n’est pas pour l’instant menacé, mais on peut estimer que ces nouvelles sanctions américaines violent l’esprit de l’accord». «L’Iran s’est engagé à diminuer considérablement son programme d’enrichissement nucléaire pour le mettre à un niveau civil, ce qu’il a fait, la carotte étant l’arrêt des sanctions votées contre le nucléaire iranien», dit-il.
«Du coté iranien, il y a une logique à dire: on fait ce qui nous a été demandé, mais du côté américain on rajoute de nouvelles sanctions, en disant: ce n’est pas lié au nucléaire. C’est pour cela que les durs du régime iranien disent (au président) Rohani: vous vous faites rouler dans la farine. Vous avez mené votre politique du sourire, comme ils disent, regardez le résultat. Les Américains se moquent de nous».
«Pas d’alternative»
Pour le principal négociateur de Téhéran sur la question nucléaire, Abbas Araqchi, les États-Unis «font preuve de mauvaise volonté en essayant de saboter la situation, d’empoisonner l’atmosphère internationale». Côté européen, on insiste sur l’importance historique de l’accord nucléaire signé à Vienne en juillet 2015, qui doit être préservé, et sur le fait que, pour l’instant, six rapports successifs de l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) ont assuré que Téhéran en respectait les termes.
«Il n’y a aucune alternative crédible à l’accord de Vienne et la France ne souhaite pas qu’il soit renégocié», a ainsi récemment assuré le ministère français des Affaires étrangères. «L’unité entre Européens et Américains a toujours permis de résoudre les difficultés de mise en œuvre de l’accord. Elle doit être préservée». Mais côté américain on estime que l’accord de Vienne fait partie d’un tout, visant à pousser Téhéran à devenir «un bon voisin».
«La question de l’Iran ne commence pas et ne s’achève pas avec l’accord nucléaire» a ainsi récemment déclaré le secrétaire d’État américain Rex Tillerson. «Cet accord ne concernait qu’une petite partie des menaces iraniennes, son programme nucléaire». «Or cet accord a ignoré toutes les autres activités iraniennes de déstabilisation de la région», a-t-il ajouté, en référence au programme balistique (que Téhéran assure être spatial et civil), à son soutien au Hezbollah libanais, à son rôle en Syrie et au Yémen.
«L’Iran n’a pas été un bon voisin dans la région, il n’a pas mis fin à son programme balistique. Donc, l’esprit de l’accord (de Vienne) a été violé», a-t-il ajouté. Ce sont ces autres activités iraniennes que Washington entend continuer à pouvoir punir par des sanctions, tout en réévaluant périodiquement sa position par rapport à l’accord de Vienne. La prochaine échéance de cette «certification» est prévue mi-octobre.
Pour Thierry Coville, «les durs américains, qui constituent la base électorale du président Trump, rejoignent en cela les durs à Téhéran. Ils sont contre l’accord. Si vous leur dites: l’Iran est un danger, ils le croient. Ils en sont toujours à l’Iran de l’affaire des otages de l’ambassade américaine, l’Iran des séries télé américaines. La politique de Trump est basée là-dessus, malheureusement».
Le Quotidien/AFP