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Retraites en France : grèves et manifs face à un pouvoir inflexible


Depuis une semaine, les manifestations sont quotidiennes à travers le pays. (photo AFP)

Voies de chemin de fer bloquées, trafic perturbé, grèves : pour cette neuvième journée d’action contre la réforme des retraites, les syndicats tablent sur une forte mobilisation, au lendemain d’une intervention du président de la République qui a hérissé les opposants.

Cette journée est la première organisée au niveau national après l’adoption de la loi via l’arme constitutionnelle du 49.3, le 16 mars. La RATP et la SNCF ont annoncé un trafic fortement perturbé : le syndicat FO-RATP, premier chez les conducteurs de métro, a appelé, après l’activation du 49.3, à faire de jeudi « une journée noire » dans les transports. À la SNCF, seule la moitié des TGV Inoui et Ouigo et le tiers des TER roulent.

À la gare RER de Nanterre préfecture, Bébélle Iyaba, 38 ans, femme de ménage, ne va pas manifester car elle « travaille très tôt ». « Et quand je rentre, je suis trop fatiguée, mais je comprends les grévistes, je ne suis pas du tout énervée contre eux. 64 ans, c’est très tard », dit-elle à l’AFP.

À Quimper, des manifestants ont bloqué les accès à la gare et occupé les voies depuis l’aube. Les dépôts de bus sont bloqués par des manifestants à Rennes, Saint-Brieuc et Evreux.

« Une gifle » 

L’approvisionnement en kérosène de l’Ile-de-France et de ses aéroports par la Normandie « devient critique » en raison des grèves dans les raffineries, a indiqué jeudi le ministère de la Transition énergétique qui est prêt à faire réquisitionner des grévistes.

Compte tenu de cette situation, le gouvernement a « pris un arrêté de réquisition » à l’égard des grévistes de la raffinerie TotalEnergies de Normandie, mise à l’arrêt le week-end dernier et où les expéditions de carburants sont bloquées.

Pour le ministre du Travail Olivier Dussopt, « à l’issue d’une mobilisation, d’un conflit comme celui-ci, on ne peut pas penser qu’on va effacer les choses ». « Il y a un avant et un après, il y a un désaccord qui va persister sur l’âge de départ » à la retraite « mais il y a des sujets qui permettent de renouer avec un dialogue », a-t-il dit sur RTL jeudi.

À la mi-journée mercredi, sur TF1 et France 2, Emmanuel Macron n’avait pas dévié de son cap, réaffirmant que la réforme était « nécessaire », égratignant au passage les syndicats, et particulièrement la CFDT, accusés de ne pas avoir su « propose(r) un compromis ».

« Cibler la CFDT, c’est idiot. Je n’ai jamais renoué le dialogue en mettant une gifle à quelqu’un », a répondu Laurent Berger, dirigeant de la CFDT, jeudi sur BFMTV et RMC. Les propos du chef de l’État ont « sans doute renforcé la détermination pour les manifestations aujourd’hui, que j’espère nombreuses, pacifiques et responsables ».

Alors que depuis une semaine, les manifestations sont quotidiennes à travers le pays, et parfois émaillées de tensions, le chef de l’État a dit ne pouvoir accepter « ni les factieux ni les factions » et risqué une comparaison avec les événements du Capitole lors de l’élection de Joe Biden aux États-Unis.

Baroud d’honneur 

Les syndicats ont dénoncé à l’unisson le « mépris » et le « déni » du chef de l’État, attendu jeudi en début d’après-midi à Bruxelles pour un conseil européen. Sans avancer de chiffre de manifestants, les responsables syndicaux appellent de nouveau à une mobilisation « massive ».

La police prévoit « entre 600 et 800 000 personnes sur environ 320 actions », dont 40 à 70 000 à Paris, où le cortège s’élancera à 14 h de la place de la Bastille, en direction de la place de l’Opéra. Environ 500 gilets jaunes et 500 éléments radicaux sont attendus à Paris, et « en province plus d’une dizaine de villes verront des démonstrations de l’ultra gauche », selon la police.

Entre 40 et 50 % de grévistes sont attendus dans les écoles maternelles et élémentaires, selon le Snuipp-FSU, premier syndicat du primaire. Les grévistes pourraient aussi être nombreux parmi les raffineurs, les électriciens et les gaziers, en pointe dans la contestation.

Des dizaines de lycées et d’universités étaient bloqués en France : à Paris, l’université d’Assas, bloquée pour la première fois, le prestigieux lycée Louis-le-Grand, ainsi que Racine, Rodin, Jules Ferry… Même chose pour plusieurs établissements à Marseille, Toulouse et Rennes, entre autres.

La mobilisation de jeudi sera-t-elle un baroud d’honneur, ou un bouquet final avant que la contestation ne s’éteigne ? Selon une source proche du gouvernement, l’exécutif espère que la mobilisation « s’étiole » après la manifestation de jeudi, et que tout rentre dans l’ordre « ce week-end ».

Mais l’intersyndicale ne désarme pas : elle se retrouvera ce jeudi soir au siège de la CFDT à Paris.