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Événements en France : inquiétudes au Luxembourg


Rien ne semble apaiser les opposants à la réforme des retraites en France, à l’image de ces manifestants, mercredi à Lyon.  (photo AFP)

Syndicalistes et politiques prennent position sur le chaos qui règne en France à la suite de la réforme des retraites. Le gouvernement a dégainé le 49.3, la rue lui répond et chacun fait des dégâts.

Les événements qui secouent la France actuellement ne laissent pas les décideurs luxembourgeois indifférents. Au contraire, certains prennent part à la lutte qui s’est engagée contre le président de la République, Emmanuel Macron, à l’instar de l’OGBL et du LCGB, qui apportent leur soutien à l’intersyndicale.

«Nous avons soutenu le mouvement dès le départ en participant à toutes les journées de mobilisation», confirme David Angel, secrétaire central à l’OGBL. C’est en bus que les syndicalistes luxembourgeois rejoignent leurs homologues français et ils se préparaient à se rendre à Metz pour la journée de manifestation prévue aujourd’hui dans toute la France.

Il y a même de l’enthousiasme dans la manœuvre. «On a vu les plus grandes mobilisations ces dernières semaines avec tous les grands syndicats réunis, fait assez rare en France, et malgré tout, le gouvernement reste sourd face à la gronde», regrette le syndicaliste de l’OGBL en avouant son incompréhension.

«Il n’y a plus de dialogue dans ce pays et c’est très inquiétant», poursuit David Angel. Le président du LCGB, Patrick Dury, le rejoint sur ce point : «L’art du compromis nous a permis de préserver la paix sociale et de réussir de conséquentes avancées sociales, alors cette absence de dialogue me désole en France et menace sérieusement la paix sociale», estime-t-il.

« Nous sommes solidaires de leur engagement »

Il veut être «clair» dès le départ : «J’ai beaucoup de contacts avec la CFDT et Dominique Toussaint, le secrétaire général pour le Grand Est, et nous sommes solidaires de leur engagement et de leur lutte dans le dossier de la réforme des retraites.» Patrick Dury vante le système tripartite luxembourgeois, même s’il ne comble pas toujours les attentes de toutes les parties.

Il vante surtout le système des pensions luxembourgeois, basé sur un âge légal de départ fixé à 65 ans, «mais avec beaucoup d’exceptions pour ceux qui ont 40 années de cotisations; et pour les autres, des années assimilées comme la période d’étude et qui leur permet de partir à 60 ans», explique-t-il.

Ce qui préoccupe les syndicats luxembourgeois, qui comptent de nombreux frontaliers dans leurs rangs, ce sont les carrières mixtes. «C’est déjà un souci avec les Allemands », informe Patrick Dury et il suppose qu’il en sera de même pour les Français qui veulent partir à la retraite à 60 ans au Luxembourg, mais qui devront attendre l’âge légal en France pour percevoir l’autre part de leur pension. «Nous allons encore analyser la situation», annonce Patrick Dury.

L’OGBL fera de même. «Nous avons beaucoup de frontaliers français, des personnes dont le conjoint travaille en France aussi, et ils ne savent pas ce que cela signifie pour leur départ à la retraite dans le cas d’une carrière mixte. Il faudra encore discuter de cette problématique, car le sujet fait beaucoup parler», indique David Angel. Le sujet fait tellement débat que certains, au Luxembourg, aimeraient bien retarder aussi l’âge légal de départ à la retraite, rappelle le secrétaire central de l’OGBL. Les syndicats veillent au grain et ne voient pas la nécessité de changer de système pour l’instant.

Déi Lénk, premier soutien

Le parti politique de gauche déi Lénk a été le premier à réagir aux événements qui se sont déroulés en France avec le passage en force de la réforme des retraites. La libéralisation de l’État social est une constante de la présidence d’Emmanuel Macron, selon lui, et déi Lénk ne peut que se montrer solidaire avec le mouvement des grévistes. Il s’oppose à toute tentative de manipulation du système social au profit des intérêts économiques et soutient totalement les travailleurs et leurs syndicats.

La suite promet «des semaines chaotiques», estime encore David Angel, vu l’entêtement d’Emmanuel Macron à maintenir sa réforme, accouchée au forceps. Il ne parle pas du chaos dans les rues, «parce qu’à Metz ou à Longwy, c’est très calme, très ordonné», témoigne-t-il.

«Manifester, un droit absolu !»

Les manifestations dans les rues des grandes villes françaises, à Paris en particulier, ont parfois choqué par les violences qu’elles ont entraînées, émanant de chaque camp. La présidente de la commission de la Sécurité intérieure à la Chambre, Stéphanie Empain (déi gréng), ne veut pas se prononcer sur la répression exercée par les forces de l’ordre, documentée par plusieurs vidéos et témoignages de gardés à vue. «Il y a une escalade de la violence, cela me paraît évident, mais il y a aussi une tendance à aller activement chercher des casseurs, et c’est dangereux pour le droit de manifester», déclare la députée écolo.

La présence de ces casseurs place les forces de l’ordre «dans une situation de stress énorme». Elle plaide pour les formations qui apprennent à gérer ce stress de la manière «la plus apaisée», mais sait aussi ce que des hordes de gens violents sont capables de faire. Elle reconnaît qu’il y avait aussi «des façons plus démocratiques» de faire adopter la réforme des retraites. Une autre forme de violence dans la manière de procéder. «Le droit de manifester est un droit absolu ! Au Luxembourg, nous avons eu de nombreux rassemblements contre la loi covid pendant l’état de crise et des discussions sur le fait de savoir s’il y avait trop ou pas assez de répression», déclare la députée.

«Un problème pour nous tous»

Le député et coprésident du Parti chrétien-social Claude Wiseler regarde la France avec «beaucoup d’inquiétude», car «l’Union européenne a besoin de la France». Le pays, partiellement bloqué, ne peut plus guère jouer son rôle de leader européen face à une actualité brûlante, faite de crises et de guerres. «C’est un véritable problème pour nous tous», estime-t-il. «Une France où le dialogue social ne fonctionne pas est problématique pour tout ce qui va venir», analyse Claude Wiseler.

Il reconnaît que la question des pensions se pose dans la plupart des pays européens et il ne veut pas juger des systèmes des uns et des autres. Mais ce qui se déroule en France lui fait «beaucoup de peine» et toutes les violences sont «difficiles à digérer».

«Le matraquage de manifestants n’est pas justifié»

De son côté, le député Sven Clement (Parti pirate) fustige l’existence même d’un dispositif comme le 49.3 qui autorise un passage en force de certaines lois en France. «Je pense que les lois devraient être votées par un vote positif et non par le non-vote d’une motion de censure», dit-il.

Sur le fond du problème, il tient à souligner que d’autres pays en Europe, y compris le Luxembourg, affichent des âges de départ à la retraite supérieurs à 62 ans. Pour autant, «la violence n’est jamais une réaction valable pour des dissonances politiques et le matraquage de manifestants n’ayant pas agressé des policiers n’est pas davantage justifié».

«Je comprends la grogne des Français»

Le président de la fraction socialiste à la Chambre, le député Yves Cruchten, dit comprendre «parfaitement la grogne des Français». Pour lui, le projet de réforme des retraites arrive au plus mauvais moment, alors que la plupart des gens vivent «avec une inflation record, une augmentation générale des taux de crédit et donc une perte générale du pouvoir d’achat». Cette réforme ne fait «qu’embraser une situation économique et sociale compliquée chez nos voisins», estime le député socialiste.

«Maintenant, il ne m’appartient pas de juger de la pertinence ou non d’une réforme que le président Emmanuel Macron juge nécessaire. Je souligne seulement qu’au Luxembourg une augmentation de l’âge légal des retraites ne se pose pas pour l’instant et que le système de l’indexation automatique des salaires et pensions est et reste un garant de la paix sociale. On l’oublie trop souvent», conclut-il.

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