Le gouvernement allemand a ouvert la porte lundi à une modification d’une nouvelle loi très controversée visant à faire la police sur les réseaux sociaux et dont l’initiateur, le ministre de la Justice, a lui-même été victime.
« Une évaluation très précise de cette nouvelle loi va bien sûr intervenir pour voir les expériences qu’on a faites et ensuite des conclusions en seront tirées », a indiqué le porte-parole de la chancelière Angela Merkel, Steffen Seibert, lors d’un point de presse régulier. « La liberté d’opinion est ancrée dans la Constitution en Allemagne et constitue un bien extrêmement précieux aux yeux du gouvernement », a-t-il ajouté.
Berlin se retrouve sur la défensive avec ce texte, l’un des plus stricts en Europe sur le sujet : il oblige les plateformes d’échange telles que Twitter, Facebook ou YouTube à supprimer les messages au contenu incitant à la haine, passibles de poursuites pour diffamation ou véhiculant de fausses informations. Elles doivent le faire dans un délai de 24 heures après avoir été alertées par des utilisateurs, sous peine d’amendes pouvant aller jusqu’à 50 millions d’euros. Les plateformes ont vigoureusement protesté l’an dernier contre cette initiative, prise notamment après une accumulation de commentaires haineux sur internet en Allemagne consécutive à l’arrivée de plus d’un million de migrants en 2015 et 2016. Berlin s’est lassé de voir que les plateformes ne réagissaient pas suffisamment.
Le ministre censuré
Mais les détracteurs de la loi, à gauche comme à droite, dénoncent un texte liberticide qui aboutit à restreindre la liberté d’expression et à confier aux géants de l’internet le rôle de censeur. « Les fournisseurs de services internet ne devraient pas se voir confier la tâche du gouvernement de décider ce qui est licite et ce qui ne l’est pas », a estimé récemment l’association Alliance for Freedom of Opinion.
La controverse a été relancée au cours du week-end lorsque l’initiateur de la législation, le ministre allemand de la Justice Heiko Maas, a vu l’un de ses tweets, dans lequel il traitait un essayiste de « crétin », supprimé en vertu du texte. « Heiko Maas victime de sa propre législation », a commenté lundi le quotidien Bild. Le tweet en question remontait à 2010, à une époque où il n’était pas encore ministre. Maas s’en était pris à un essayiste à succès néo-conservateur en Allemagne, Thilo Sarrazin, en le traitant de « crétin ». Le message a été supprimé au cours du week-end, suite à des plaintes envoyées par des particuliers. « Il y a des choses que je ne tweeterais plus aujourd’hui », a réagi lundi le ministre en faisant amende honorable.
Bild, journal le plus lu du pays, demandait lundi au ministre: « Voulez-vous vraiment une police de la pensée, M. Maas ? »
Le Quotidien/AFP