Près de 2 000 migrants ont essayé d’entrer vendredi matin dans l’enclave espagnole de Melilla depuis le Maroc et « un nombre important » d’entre eux y est parvenu, dans ce qui constitue la première tentative d’entrée massive depuis la normalisation des relations entre Madrid et Rabat.
Les forces de l’ordre espagnoles ont repéré « vers 06 h 40, un groupe de migrants formé par plus de 400 personnes » s’approchant de la frontière, a indiqué un porte-parole de la préfecture, dans un premier temps. « Un groupe important de personnes venant de pays d’Afrique subsaharienne, parfaitement organisé et violent, a forcé l’entrée et cassé la porte d’accès du contrôle aux frontières » avant d’entrer dans Melilla, a-t-il expliqué, sans indiquer le nombre de personnes entrées dans l’enclave. Depuis cette première annonce, la préfecture a revu ses estimations à la hausse : « près de 2 000 migrants » s’approchant de la frontière et, « 130 personnes venant de pays d’Afrique subsaharienne » sont entrées sur le territoire espagnol à Melilla.
Situées sur la côte nord du Maroc, Melilla et l’autre enclave espagnole de Ceuta sont les seules frontières terrestres de l’Union européenne sur le continent africain et font régulièrement l’objet de tentatives d’entrée de la part de migrants cherchant à rejoindre l’Europe.
Cette tentative d’entrée massive dans l’une de deux enclaves est la première depuis la normalisation mi-mars des relations entre Madrid et Rabat après une brouille diplomatique de près d’un an. Elle avait été provoquée par l’accueil en Espagne du chef des indépendantistes sahraouis du Front Polisario, Brahim Ghali, en avril 2021 pour y être soigné du covid-19.
Melilla en mars
Madrid a mis fin à cette crise en soutenant publiquement le plan marocain d’autonomie pour le Sahara occidental, ancienne colonie espagnole contrôlée à 80% par Rabat mais revendiquée par le Polisario, soutenu par l’Algérie.
Début avril, le roi Mohammed VI avait reçu le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez à Rabat pour sceller cette réconciliation lors d’un « iftar », la rupture du jeûne du ramadan, offert en son honneur. Une marque de l’importance de sa visite aux yeux des Marocains.
La crise entre les deux pays avait eu pour point culminant l’entrée en mai 2021 de plus de 10 000 migrants en 24 heures à Ceuta, à la faveur d’un relâchement des contrôles frontaliers côté marocain. Madrid avait alors dénoncé un « chantage » et une « agression » de la part de Rabat qui avait pour sa part rappelé son ambassadrice en Espagne, qui n’y est revenue que le 20 mars.
Juste avant la réconciliation entre les deux pays, Melilla avait été le théâtre début mars de plusieurs tentatives d’entrée massives dont la plus importante jamais enregistrée dans cette enclave avec quelque 2 500 migrants. Près de 500 y étaient parvenus.
« Pression »
Pour Madrid, la normalisation des relations avec Rabat a pour but principal de s’assurer de sa « coopération » dans le contrôle de l’immigration illégale. Vendredi, les autorités espagnoles ont salué l’action du « large dispositif de sécurité des forces marocaines, qui ont activement collaboré de façon coordonnée avec les forces de l’ordre » espagnoles.
Le Maroc, d’où partent la majeure partie des migrants vers l’Espagne, a été régulièrement accusé, par nombre d’observateurs, de les utiliser comme un moyen de pression sur l’Espagne.
Début juin, le Premier ministre Pedro Sanchez avait déclaré que l’Espagne « ne tolérerait pas » l’usage de « l’immigration clandestine comme arme de pression », des propos qui avaient sonné comme un avertissement indirect à Rabat. L’apaisement des relations avec le Maroc a entraîné une baisse récente des arrivées aux Canaries.
Selon le ministère de l’Intérieur, le nombre de migrants arrivés dans cet archipel espagnol en avril, premier mois ayant suivi la normalisation, a été inférieur de 70% à celui du mois de février. Cette normalisation a également permis la réouverture en mai des postes frontières entre le nord du Maroc et Ceuta et Melilla.
Pour l’Espagne, qui accueille le sommet de l’OTAN la semaine prochaine, la pression migratoire est l’une des « menaces » venant du « flanc sud » de l’Alliance qu’elle aimerait voir figurer parmi ses priorités.