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Pour les experts sur les armes chimiques, mission quasi-impossible à Douma


Les soldats russes occupent le terrain à Douma, rendant l'accès à la cité très compliqué. (illustration AFP)

Les enquêteurs internationaux arrivés mardi à Douma, plus de dix jours après l’attaque chimique présumée dans la banlieue de Damas, ont peu de chances de pouvoir collecter des indices probants et des preuves irréfutables, estiment experts et officiels.

Aussi longtemps après l’attaque du 7 avril, dans une région désormais contrôlée par l’armée du régime, suspectée d’avoir employé des munitions chimiques ayant fait plus de 40 morts, les spécialistes de l’Organisation internationale pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) sont confrontés à « une mission, sinon impossible, du moins très compliquée », assure Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), spécialiste des armes chimiques. « Comme pour toute scène de crime, il est fondamental d’arriver le plus vite possible sur les lieux. Là, il y a déjà un délai qui est très au-delà de ce que prévoient les statuts de l’OIAC (24 à 48 heures) », dit-il. « Par ailleurs, la zone de l’attaque présumée est aujourd’hui occupée par les forces syriennes et russes qui sont les principaux suspects dans cette affaire, donc on imagine bien que la tentation doit être immense de faire le ménage… », ajoute-t-il.

Mardi matin, dans un communiqué officiel, le ministère français des Affaires étrangères a estimé qu’il était « très probable que des preuves et des éléments essentiels disparaissent » du site de Douma. « A ce jour, la Russie et la Syrie refusent toujours aux enquêteurs l’accès au site de l’attaque alors que ceux-ci sont arrivés en Syrie le 14 avril ». Invoquant des « problèmes de sécurité », la Russie a assuré que les inspecteurs de l’OIAC auraient accès aux lieux de l’attaque, niant toute mauvaise volonté.

« Prétextes fallacieux de sécurité »

« Il est quand même étrange, si les Russes et les Syriens n’ont rien à se reprocher, qu’ils attendent 36 à 72 heures pour laisser les inspecteurs avoir accès au site, sous des prétextes fallacieux de sécurité », ajoute Olivier Lepick. C’est probablement pour avoir le temps de terminer le ménage. » Pour l’ambassadeur américain auprès de l’OIAC, Ken Ward, « les Russes pourraient avoir visité le site de l’attaque. Nous craignons qu’ils ne l’aient altéré dans l’intention de contrecarrer les efforts de la mission de l’OIAC pour mener une enquête efficace (…) Cela soulève de sérieuses questions sur la capacité de la mission d’enquête à faire son travail. »

Sur place, les enquêteurs internationaux, chargés de confirmer une attaque chimique sans pour autant l’attribuer à une partie, vont, suivant leur procédure habituelle, commencer par procéder à des prélèvements physico-chimiques: échantillons de terre ou de gravats, végétaux, qu’ils emporteront pour analyse. « On a apparemment retrouvé des munitions chimiques sur les toits de quelques immeubles, mais là aussi c’est très facile à nettoyer », précise le spécialiste de la FRS. « Il faudrait être d’une naïveté absolue pour croire que les Syriens ont mis des scellés sur l’immeuble. »

La culpabilité du régime « quasi » évidente

Ils vont également tenter de faire des prélèvements biologiques sur des blessés, voire des cadavres, sur lesquels les traces d’une absorption de produits toxiques peuvent persister longtemps. « Encore faut-il que les inspecteurs aient accès à de vrais blessés de l’attaque ou à de vrais cadavres », fait remarquer Olivier Lepick.

L’enquête de l’OIAC va également porter sur les circonstances de l’attaque, en tentant de collecter des témoignages, ce qui là encore risque de s’avérer difficile. Dans l’entourage du ministre français des Affaires étrangères, on faisait remarquer mardi que les systèmes de surveillance, notamment américains, avaient détecté au moment même de l’attaque chimique présumée « une opération militaire en cours par les forces du régime, avec l’utilisation d’hélicoptères ». Étant donné que les rebelles ne disposent pas d’hélicoptères, « cela signe de façon quasi-mécanique la culpabilité du régime » estime un expert.

« Chaque heure qui passe rend la difficulté de l’enquête plus aiguë » conclut Olivier Lepick. « Dans ce genre d’affaire, il est toujours très compliqué d’avoir des preuves irréfutables, alors vous imaginez bien que dix jours plus tard, avec les principaux suspects occupant les lieux, les chances de trouver le ‘smoking gun’ (preuve irréfutable) s’amenuisent. »

Le Quotidien/AFP

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