Déjà présents dans l’eau ou les sols, les « polluants éternels » (PFAS) se retrouvent aussi de plus en plus dans les assiettes: selon plusieurs ONG, la présence de pesticides contenant ces substances chimiques a explosé entre 2011 et 2021 dans les fruits et légumes consommés en Europe, notamment dans les fruits d’été.
Selon une analyse des données officielles des programmes nationaux de surveillance des résidus de pesticides dans les aliments des Etats membres menées sur 278.516 échantillons de fruits et légumes, le volume de fruits contaminés par des résidus PFAS a cru de 220% entre 2011 et 2021.
Au cours de cette période, en moyennes 11,2% des fruits examinés contenait des résidus d’au moins un PFAS. Et en 2021, « en moyenne un quart des fruits cultivés au niveau national » dans l’UE ont été touchés par une contamination aux PFAS.
Les plus concernés sont les fruits d’été, comme les fraises (37% contaminés en 2021), les pêches (35%) ou les abricots (31%), indique un rapport publié mardi par plusieurs associations dont Générations Futures et Pesticide Action Network (PAN) Europe.
Ces deux ONG avait déjà publié une première étude sur le sujet en novembre 2023, dénonçant la présence parfois insoupçonnée de ces polluants dans les pesticides et montrant que les ventes des intrants chimiques contenant des PFAS avaient triplé depuis 2008.
Pour les légumes, proportionnellement moins touchés par cette contamination (des traces dans 5,5% des échantillons en moyenne), l’augmentation est de 247% entre 2011 et 2021, les endives (42%) et les concombres (30%) étant les plus contaminés en 2021.
La France pas épargnée
Les PFAS, qui doivent leur surnom au fait qu’ils sont très peu dégradables une fois dans l’environnement et, pour certains, à leur effet néfaste sur la santé, sont habituellement évoqués pour leur utilisation dans l’industrie ou dans des produits de consommation comme les revêtements antiadhésifs des poêles.
Mais l’agriculture utilise aussi ces substances. Selon le rapport, les PFAS à usage agricole les plus fréquents entre 2011 et 2021 ont été le fongicide fluopyrame, l’insecticide flonicamide et le fongicide trifloxystrobine.
« Cette source de contamination ne doit pas être négligée (…) car l’alimentation est une des voies d’exposition les plus importantes et les plus continue » aux effets néfastes de ces substances, a alerté mardi François Veillerette, porte-parole de Générations Futures lors d’une visioconférence.
Dans les 20 pays étudiés, les fruits et légumes cultivés aux Pays-Bas (27%), en Belgique (27%), Autriche (25%), Espagne (22%), Portugal (21%), Grèce (18%) et France (17%) sont ceux qui contiennent le plus de traces de PFAS. Dans l’Hexagone seul, 12,2% des fruits et 8% des légumes étudiés contenaient des traces d’au moins un PFAS sur la période allant de 2011 à 2021.
« En tendance, la proportion moyenne d’échantillons de fruits contenant des résidus de pesticides PFAS a augmenté de 617% sur une période de 10 ans », dénoncent les ONG. Et sur les légumes, la croissance est de 262%. « Cela montre que la France ne fait pas exception à la règle », note M. Veillerette alors que le pays vient de mettre en pause son plan Ecophyto visant à limiter l’usage des pesticides et de changer son indicateur de mesure.
« Risque chronique »
Les fruits les plus contaminés aux PFAS en France en 2021 sont les raisins de table (48% avec au moins un résidu), les abricots (39%) et les melons (37%). Coté légumes, ce sont les chicorées (52%), les aubergines (29%) et les poivrons (23%) qui figurent en tête de la liste noire.
Les résultats du rapport montrent que « la probabilité de retrouver des PFAS dans notre assiette est de plus en plus importante », ce qui « crée un risque chronique pour l’environnement et la santé, car ces substances s’accumulent dans notre organisme », souligne François Veillerette.
L’Union européenne a fait l’an dernier un premier pas pour une restriction de l’usage des PFAS. Mais les pesticides classés PFAS sont exclus du champ de cette restriction, car les produits phytosanitaires sont réglementés par leur propre texte.
Selon M. Veillerette, « c’est une bêtise » de ne pas inclure les PFAS résultant des pesticides dans la législation européenne, car il « est urgent de (les) interdire (…) dans tous les produits alimentaires et aliments pour animaux afin (…) de protéger la santé des citoyens ».