La justice néerlandaise a acquitté mercredi une médecin accusée d’avoir donné la mort en 2016 à une patiente atteinte de la maladie d’Alzheimer sans s’être suffisamment assurée de son consentement, une affaire inédite aux Pays-Bas, qui ont été les premiers à légaliser l’euthanasie.
La patiente de 74 ans avait initialement exprimé son désir d’être euthanasiée, mais avait par la suite montré des signaux mitigés sur son envie de mourir, selon les procureurs.
Exerçant à l’époque dans une maison de retraite, la médecin, une femme aujourd’hui âgée de 68 ans dont l’identité n’a pas été révélée, était accusée d’avoir « supposé que la dame voulait toujours mourir sans vérifier cela avec elle » après l’apparition de la maladie neurodégénérative d’Alzheimer.
« Nous concluons que toutes les exigences de la législation sur l’euthanasie ont été satisfaites. Par conséquent, la suspecte est acquittée de toute charge », a déclaré la juge Mariette Renckens devant un tribunal de La Haye. « Nous pensons que, étant donné l’état de démence profonde de la patiente, la médecin n’avait pas besoin de vérifier son désir d’euthanasie », a-t-elle expliqué.
Des applaudissements ont éclaté dans la salle d’audience après la lecture du verdict. L’affaire, la première du genre aux Pays-Bas, devenu en 2002 le premier pays à légaliser l’euthanasie, a relancé le débat sur le droit des personnes atteintes de démence à décider de leur propre sort.
« Le tribunal se rend compte que l’euthanasie est une question extrêmement sensible », a ajouté la juge.
« Ravie du verdict »
L’euthanasie n’est autorisée par la loi néerlandaise que sous de strictes conditions. Au moins deux médecins doivent certifier qu’il n’y a pas d’autre solution raisonnable pour le patient, et que sa souffrance est insupportable et sans aucun espoir d’amélioration.
Le parquet, qui n’avait requis aucune peine à l’encontre de la médecin désormais à la retraite, estimait qu’elle aurait dû avoir une discussion « plus poussée » avec la patiente. La juge a rejeté cette accusation, affirmant que la patiente était « profondément démente » et « était effrayée par sa propre image dans le miroir ».
« Compte tenu du fait que la patiente n’était plus cohérente, la médecin n’aurait pas pu établir un jugement en lui parlant », a ajouté Mariette Renckens.
« Ma cliente n’était pas présente au tribunal mais je suis certain qu’elle sera ravie du verdict », a affirmé l’avocat de la médecin, Robert-Jan van Eenennaam.
« Les juges ont été très clairs dans leur verdict : elle a agi de la bonne manière. Mais ma cliente estime toujours qu’une procédure pénale n’était pas la bonne façon de régler le problème », a ajouté Robert-Jan Van Eenennaam devant les journalistes.
« Nous allons maintenant étudier attentivement le verdict et décider plus tard si nous allons faire appel ou non », a de son côté réagi Sanne van der Harg, la porte-parole du parquet.
« En possession de ses moyens »
Dans son témoignage, la médecin avait dit avoir mis du Dormicum – un produit qui permet de s’endormir rapidement – dans le café de la patiente. Après avoir manifesté des signes de rejet, la dame avait ensuite été maintenue sur son lit, notamment par son époux et son enfant, pendant que la médecin lui administrait une injection fatale.
En apprenant qu’elle était atteinte de la maladie d’Alzheimer, la patiente avait rédigé une déclaration écrite dans laquelle elle demandait à être euthanasiée plutôt que d’être placée dans une maison de retraite spécialisée, selon les procureurs.
Un médecin gériatre avait ensuite jugé qu’elle répondait aux conditions requises pour bénéficier d’une euthanasie. Deux médecins indépendants avaient confirmé ce diagnostic, comme requis par la loi.
« Cette demande d’euthanasie a été faite lorsque la patiente était encore en possession de tous ses moyens », a conclu la juge.
En 2018, 6 126 personnes ont décidé d’avoir recours à l’euthanasie aux Pays-Bas, soit 4% des décès enregistrés dans le pays, selon les derniers chiffres du Comité régional de surveillance de l’euthanasie.
AFP