À peine arrivé au Royaume-Uni, le président américain Barack Obama a plaidé avec force vendredi pour le maintien de son allié britannique au sein de l’Union européenne, s’attirant aussitôt les foudres des partisans d’un Brexit.
« L’Union européenne ne diminue pas l’influence britannique – elle l’amplifie », a écrit M. Obama dans une tribune publiée dans la nuit par le quotidien Daily Telegraph, quelques heures après son atterrissage jeudi soir à Londres.
Alors qu’il s’attendait forcément à répondre à des questions sur le Brexit lors de sa conférence commune avec le Premier ministre britannique David Cameron dans l’après-midi, le chef de la Maison Blanche a ainsi pris les devants sans ambiguïté aucune, à deux mois du référendum qui devra trancher la question.
« Les États-Unis et le monde ont donc besoin que votre énorme influence continue à s’exercer, y compris au sein de l’Europe », a-t-il insisté dans sa longue tribune qui exprime un parti pris rare à l’égard des affaires d’un autre pays.
Les partisans d’un Brexit ont aussitôt hurlé à l’ingérence, à l’image de leur chef de file, Boris Johnson. « Faites ce que je dis et non ce que je fais », a écrit l’exubérant maire de Londres dans le Sun, dénonçant « l’hypocrisie » et « l’incohérence » du président américain.
« Les Américains n’envisageraient pour rien au monde quelque chose qui ressemble à l’UE pour eux-mêmes ou leurs voisins. Pourquoi penseraient-ils que ce soit une bonne chose pour nous? », s’est-il interrogé dans sa tribune.
Autre figure du non à l’Europe, Nigel Farage, le leader du parti anti-immigration Ukip, a, lui, dénoncé « une ingérence malvenue de la part du président américain le plus antibritannique qui ait jamais existé ». « Heureusement, il quittera ses fonctions bientôt », a-t-il ajouté.
Déjeuner avec la reine
Accompagné par son épouse Michelle, Barack Obama entamera sa cinquième et sans doute dernière visite au Royaume-Uni en tant que président américain par un déjeuner au château de Windsor avec la reine Elizabeth II, qui vient de fêter son 90e anniversaire.
La presse britannique cherche désespérément à impliquer la reine dans le débat sur le Brexit.
Mais Buckingham Palace insiste sur le devoir de réserve et la neutralité à toutes épreuves de la monarque qui, depuis le début de son règne en 1953, a rencontré « un quart de l’ensemble des présidents américains depuis l’indépendance des États-Unis », comme l’a relevé David Cameron jeudi.
Après ce déjeuner royal, Barack Obama gagnera le 10 Downing Street pour s’entretenir avec David Cameron, avant une conférence de presse commune.
Le Premier ministre britannique, qui se bat pour convaincre ses concitoyens de rester dans l’UE alors que les sondages continuent à annoncer un résultat serré, ne cesse de rappeler que le Royaume-Uni serait plus prospère et davantage en sécurité au sein du giron des 28.
Dans sa tribune au Daily Telegraph, M. Obama insiste sur l’intérêt d’un maintien du Royaume-Uni dans l’UE en matière de lutte antiterroriste.
« Les dizaines de milliers d’Américains qui reposent dans les cimetières européens prouvent à quel point notre prospérité et notre sécurité sont entremêlées », a relevé le président, dans une référence à la participation des forces américaines aux combats des deux Guerres mondiales en Europe.
« Je dirai, avec toute la sincérité que peut se permettre un ami, que le résultat de votre décision est d’un profond intérêt pour les Etats-Unis », dit encore M. Obama.
Des propos qui confirment qu’aux yeux des Américains un Brexit, outre de déstabiliser l’UE, pourrait avoir un impact profond sur la « relation spéciale » qu’entretiennent Washington et Londres.
« Déraciner l’extrémisme »
Pour Ian Bond, du centre de réflexion londonien Center for European Reform, M. Obama « est opposé au Brexit parce que cela risque de créer davantage de problèmes pour les Etats-Unis en Europe ».
« La préoccupation (de Barack Obama) est de savoir comment un Brexit affecterait la capacité de l’Europe à aider les Etats-Unis à régler les grands problèmes internationaux », analyse Ian Bond.
Au cours de ses sept années à la Maison Blanche, Barack Obama a cherché à désengager son pays des conflits au Moyen-Orient tout en se tournant vers les pays asiatiques aux économies en pleine croissance, laissant au deuxième plan les affaires européennes.
Mais les crises de la dette souveraine, les attentats à Paris et Bruxelles, et maintenant un possible Brexit ont remis l’Europe au premier plan de ses préoccupations.
Lors de leur entrevue vendredi après-midi, MM. Obama et Cameron vont également aborder la lutte internationale contre l’EI. « Je suis impatient de parler avec le président (Obama) de nos efforts communs pour déraciner l’extrémisme du monde », a déclaré le Premier ministre dans un communiqué.
Pour Downing Street, la manière d’apporter un soutien au gouvernement d’union constitué en Libye et le déroulement de l’opération navale Sophia contre les passeurs au large des côtes libyennes seront aussi évoqués, de même que la situation en Afghanistan.
Sur un registre plus léger, le couple Obama dînera vendredi soir avec le prince William, son épouse Kate et le prince Harry.
Il se rendra ensuite en Allemagne pour une rencontre avec la chancelière Angela Merkel et d’autres dirigeants européens.
Le Quotidien / AFP