Accueil | Monde | Migrants : Berlin serre la vis pour éviter un nouvel afflux

Migrants : Berlin serre la vis pour éviter un nouvel afflux


Poignée de mains entre le le Bavarois Horst Seehofer (CSU) et la chandelière Angela Merkel le 28 janvier 2016 à Berlin. (Photo : AFP)

Limitation du regroupement familial pour certains réfugiés, Maroc, Algérie et Tunisie classés pays sûrs: la chancelière allemande se prépare à freiner l’afflux de migrants attendu au printemps et se donne de l’air avant des rendez-vous électoraux.

Angela Merkel reçoit aussi vendredi son homologue italien Matteo Renzi, alors que Berlin perd patience face à la lenteur de la mise en place de «hotspots», censés «trier» vrais réfugiés et migrants économiques, mais aussi face au blocage de Rome sur le financement des trois milliards d’euros promis par l’UE à la Turquie pour l’aider à gérer les 2,5 millions de Syriens présents sur son territoire.

En Allemagne, l’annonce jeudi soir d’une limitation du rapprochement familial et d’un verrouillage du droit d’asile pour les Marocains, Algériens et Tunisiens met fin à plus de deux mois de tractations difficiles entre les partenaires de la coalition gouvernementale regroupant les conservateurs CDU de Mme Merkel, leur branche bavaroise (CSU) qui réclame toujours – en vain – une limite chiffrée aux nombre de réfugiés accueillis, et les sociaux-démocrates.

L’objectif de ces mesures est de préparer le terrain à la réduction «tangible» de l’afflux migratoire, après plus d’un million d’arrivants en 2015. Cette baisse a été promise par la chancelière, tout en excluant la fermeture des frontières.

Profiter de l’hiver

Elle table sur une batterie de mesures européennes comme la répartition des réfugiés à travers l’Union européenne, refusée par de nombreux pays, et les milliards d’aide promis à la Turquie mais aussi à la Jordanie et au Liban pour y retenir les Syriens.

Pour l’Allemagne, il s’agit de profiter du répit qu’offrent les tempêtes hivernales en Méditerranée, qui ont entraîné une baisse importante des migrants tentant la traversée vers l’Italie et la Grèce. «Il faut utiliser cette chance, cette fenêtre d’opportunité qui s’est ouverte», relevait jeudi Peter Altmeier, le coordinateur de la politique migratoire allemande, très proche de Mme Merkel.

«2 500 réfugiés illégaux qui en moyenne viennent (chaque jour) de Turquie en Grèce c’est encore trop, beaucoup trop. C’est pourquoi notre but doit être que le nombre de réfugiés n’augmente pas à nouveau avec la fin des tempêtes hivernales», a-t-il ajouté.

Mme Merkel refuse cependant de céder à ses détracteurs et, malgré sa forte baisse de popularité dans les sondages, se refuse à plafonner le nombre de réfugiés accueillis. La ligne est cependant de moins en moins bien acceptée : 40% des Allemands, selon un sondage du magazine Focus de vendredi, estiment qu’elle doit quitter ses fonctions, tandis que 45% sont d’un avis inverse.

Une tendance de mauvais augure avant trois scrutins parlementaires régionaux le 13 mars lors desquels une montée spectaculaire des populistes anti-migrants du parti AfD est attendue. Mme Merkel a elle-même promis un «bilan intermédiaire» de ses efforts après le sommet UE-Turquie du 18 février.

Durcissements en série

En décidant jeudi de bloquer deux ans durant le rapprochement familial pour la catégorie de la «protection subsidiaire», un cran en dessous du statut de réfugiés et de l’asile, et en organisant la venue des proches des autres catégories dans le cadre d’éventuels quotas européens, elle introduit des mesures très nationales pour limiter l’afflux.

«Tout doit avoir l’air de continuité, mais en réalité le gouvernement prépare une correction de sa politique migratoire», estime le quotidien Handelsblatt vendredi. Le durcissement progressif intervient alors qu’en Europe l’Allemagne apparaît de plus en plus comme la seule destination pour les centaines de milliers de migrants.

La Suède, la Finlande ont annoncé vouloir expulser des dizaines de milliers de migrants arrivés en 2015, les Pays-Bas envisagent de renvoyer les nouveaux arrivants en Grèce, tandis que Macédoine, Croatie et Serbie ne veulent laisser passer que ceux ayant l’Allemagne ou l’Autriche comme destination.

Le Premier ministre bulgare Boïko Borissov a lui appelé vendredi à une fermeture des frontières extérieures de l’espace Schengen tant que l’UE n’aura pas décidé que faire des migrants qui sont déjà arrivés. «J’insiste (pour que l’Europe fasse) au moins un pas : fermer immédiatement les frontières extérieures de l’UE, tant que ces 1 à 2 millions ne sont pas casés», a-t-il dit.

«On ne peut plus faire dépenser leur argent aux migrants et puis les renvoyer (…) il vaut mieux les empêcher de venir», a-t-il ajouté après une rencontre avec son homologue hongrois, Victor Orban. Quelque 30 000 réfugiés syriens, irakiens et afghans ont encore emprunté la route des Balkans en janvier, selon l’Organisation internationale pour les migrations.

Et compte tenu du mauvais temps, les drames se poursuivent en Méditerranée. Les corps de 24 migrants, dont 10 enfants, ont encore été repêchés jeudi matin par les autorités grecques.

AFP/M.R.