À trois jours d’un sommet européen crucial qui doit décider de la suite de son parcours vers l’UE, l’Ukraine s’inquiète d’une absence de consensus parmi les 27, sur fond de cavalier seul de la Hongrie.
« Je ne peux pas imaginer (…) les conséquences dévastatrices si le Conseil européen échouait à prendre une décision, non seulement pour l’Ukraine mais aussi pour l’élargissement » de l’Union européenne, a lancé lundi à Bruxelles le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba avant une réunion de ses homologues de l’UE.
« Nous avons fait notre part du travail. Nous attendons de l’Union européenne qu’elle fasse la sienne ! », a-t-il martelé.
Budapest refuse toujours que les 27 ouvrent des négociations en vue d’une adhésion de l’Ukraine, jugeant que ce pays en guerre contre la Russie n’est pas prêt. Son Premier ministre Viktor Orban réclame un « débat stratégique » avant toute décision quand la majorité des pays européens et la Commission européenne jugent qu’il a déjà eu lieu.
Kiev attend aussi que l’UE poursuive son soutien à son effort de guerre, et espère le déblocage d’une aide de 50 milliards d’euros sous forme de dons et de prêts, ainsi que celui d’une aide militaire de 5 milliards d’euros.
Mais là encore, la Hongrie s’obstine dans son refus, en dépit d’une très forte pression de ses partenaires.
« Nous devons prendre des décisions stratégiques et nous engager en faveur d’une victoire de l’Ukraine. Si nous ne le faisons pas, le prix sera incroyablement élevé », a ainsi jugé le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis.
« Déplorable »
« J’espère que l’unité de l’Union européenne ne sera pas brisée, car ce n’est pas le moment d’affaiblir notre soutien à l’Ukraine », a déclaré le patron de la diplomatie européenne Josep Borrell.
« La position de la Hongrie s’est avérée réellement déplorable », a lancé, dans un style plus direct, la ministre finlandaise des Affaires étrangères Elina Valtonene.
L’opposition affichée par la Hongrie inquiète et laisse perplexes plusieurs pays européens qui s’interrogent sur ses motivations profondes.
Charles Michel, le président du Conseil européen, institution qui regroupe les États membres de l’UE, le président français Emmanuel Macron, le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez, dont le pays assure la présidence semestrielle de l’UE, ont tous essayé de convaincre Viktor Orban de la nécessité de soutenir l’Ukraine et empêcher que le président russe Vladimir Poutine ne gagne sa « guerre d’agression ».
En vain pour l’instant.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a rencontré Viktor Orban à Buenos Aires ce week-end, en marge de l’investiture du nouveau président argentin Javier Milei.
Selon un porte-parole du Premier ministre hongrois, ce dernier lui a simplement indiqué que les États membres poursuivaient leurs négociations.
Plusieurs pays européens veulent encore croire au bluff de la part de la Hongrie, qui attend de ses partenaires le versement de près de 22 milliards d’euros promis à Budapest, mais gelés pour cause de manquements à l’État de droit.
Dix milliards d’euros pourraient être débloqués cette semaine, juste avant le début jeudi du sommet européen.
Kiev a également adopté une loi protégeant les droits des minorités en Ukraine, dont la minorité hongroise, que Budapest réclamait avant tout accord sur l’ouverture de négociations d’adhésion, a souligné lundi Kuleba.
Il n’est toutefois pas certain que cela suffise à convaincre Viktor Orban, dont certains redoutent qu’il aille jusqu’au bout.
« La seule façon dont je lis la position hongroise, et pas seulement sur l’Ukraine, c’est qu’elle est contre l’Europe et tout ce que l’Europe signifie », a lancé, très amer, le ministre lituanien Gabrielius Landsbergis.