Les ministres des Affaires étrangères de l’Otan ont invité mercredi le petit Etat du Monténégro à rejoindre l’Alliance de l’Atlantique nord, qui continue son expansion dans les Balkans au grand dam de Moscou.
Cette «décision historique d’entamer des pourparlers d’adhésion avec le Monténégro» a été prise à l’unanimité par les 28 chefs de la diplomatie de l’Otan lors d’une réunion à Bruxelles. Le Monténégro devrait devenir, d’ici dix-huit mois à deux ans, le 29e membre de l’Alliance, qui entretient depuis le début de la crise ukrainienne en 2013 des relations glaciales avec la Russie de Vladimir Poutine.
«La porte de l’Otan est ouverte, ceci en est la preuve», a déclaré son secrétaire général, le Norvégien Jens Stoltenberg, lors d’une conférence de presse. «Il ne s’agit pas de la Russie… Cette décision n’est dirigée contre personne», a assuré M. Stoltenberg.
Mais la Russie a dénoncé à maintes reprises la perspective d’un élargissement de l’Otan dans les Balkans, voyant là un empiètement sur sa sphère d’influence et même une «provocation», comme l’avait regretté son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov en 2014.
«Ce genre d’initiative est porteuse d’un fort potentiel de confrontation. Elle ne permet pas la poursuite de la paix et de la stabilité dans les Balkans et en Europe en général. Elle est de nature à compliquer davantage les relations déjà compliquées entre la Russie et l’Otan», a jugé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, la semaine dernière.
Elle avait mis en garde le Monténégro, qui est déjà en pourparlers d’adhésion avec l’Union européenne depuis 2012, sur «les possibles conséquences qu’impliquerait une entrée de Podgorica dans l’Alliance».
Igor Luksic, le ministre des Affaires étrangères de cette petite République de 630 000 habitants qui s’est séparée de la Serbie et a proclamé son indépendance en 2006, s’est félicité de la décision.«C’est un grand jour pour mon pays, qui le mérite bien», a salué M. Luksic devant ses homologues de l’Otan à Bruxelles.
Une opinion divisée
Le dernier élargissement de l’Otan remonte à 2009, lorsque la Croatie et l’Albanie, deux autres pays des Balkans bordant comme le Monténégro la mer Adriatique, ont rejoint ses rangs. L’adhésion du Monténégro ne deviendra effective qu’après la conclusion des pourparlers, attendue début 2016, et la ratification de son adhésion par les parlements nationaux des 28 pays membres de l’Otan.
«Nous sommes tout à fait conscients que ceci n’est pas la fin du processus», a reconnu M. Luksic, promettant d’oeuvrer à obtenir «le soutien d’une majorité écrasante de l’opinion publique» monténégrine à l’adhésion à l’Otan.
Le pays est très divisé sur cette perspective et le souvenir de la campagne de bombardements de l’Alliance contre la Serbie en 1999 reste douloureux. Si l’on en croit un sondage réalisé début octobre auprès d’un millier de Monténégrins, 50,2% de la population est en faveur d’une adhésion, et 49,8% contre.
Plusieurs manifestations violentes contre l’adhésion au bloc euro-atlantique ont déjà eu lieu. Les autorités de Podgorica y ont vu la main de Moscou.
«Le Monténégro a réalisé des réformes substantielles», a souligné Jens Stoltenberg. Mais «il reste beaucoup de travail à faire», a insisté le chef de l’Otan, «pour adapter le secteur de la défense et sur les réformes», en particulier en matière de lutte anti-corruption et de renforcement de l’Etat de droit.
«Il faut continuer à faire des progrès pour s’assurer du soutien de l’opinion publique», a plaidé Jens Stoltenberg. Dans un contexte plus général, les chefs de la diplomatie de l’Alliance ont adopté mardi soir une stratégie pour répondre aux menaces posées par les tactiques de la «guerre hybride».
L’annexion de la Crimée en mars 2013 par la Russie, qui a eu recours à des forces spéciales, les «petits hommes en vert», sans tirer un seul coup de feu, est souvent cité comme l’exemple type de la «guerre hybride».
«Il s’agit d’une combinaison de menaces civiles et militaires, d’opérations secrètes et publiques, c’est la propagande, les mensonges», a décrit Jens Stoltenberg. «C’est pourquoi nous rendons nos forces plus réactives», a-t-il expliqué. L’Otan va aussi développer ses capacités dans le renseignement, ses forces spéciales et se renforce contre les cyberattaques.
AFP/M.R.