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L’Italie résignée face à la vente de Pirelli à un groupe chinois


Le passage annoncé dimanche sous pavillon chinois du groupe milanais Pirelli, fleuron industriel de l’Italie, est accueilli fraîchement mais aussi avec une certaine résignation dans la péninsule, où l’on admet à demi-mot qu’il n’y avait pas vraiment d’alternative.

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Selon l’accord conclu, l’actionnaire majoritaire ChemChina devrait laisser pour le moment les rênes du groupe au PDG Mario Tronchetti. (Photos AFP)

Aux termes de l’accord dévoilé dimanche soir par le principal actionnaire de Pirelli, la holding Camfin, le groupe chinois ChemChina va entrer via un montage complexe au capital du fabricant de pneus, qui devrait être retiré de la Bourse de Milan où il était coté depuis 1922. Si tout se déroule comme prévu, l’actionnariat de Pirelli sera à l’avenir composé de ChemChina, majoritaire, et d’actionnaires italiens (essentiellement l’actuel PDG de Pirelli Marco Tronchetti Provera) et russe (le géant pétrolier public Rosneft), une alliance inédite en Italie.

La transaction totale s’élèverait à 7,4 milliards d’euros, selon la presse italienne. ChemChina s’est engagé à laisser pour le moment les rênes du groupe à Marco Tronchetti et à maintenir son siège et son centre de recherche en Italie. À terme, Pirelli sera cependant scindé en un groupe de pneus haut de gamme, qui pourra être réintroduit en bourse, et un autre dédié aux pneus industriels, qui devrait être allié à une filiale chinoise.

Il s’agit d’un « parcours de croissance qui prendra du temps, mais auquel je crois fortement et dans lequel je m’engagerai comme dirigeant et comme actionnaire », a écrit Marco Tronchetti lundi matin dans un courrier interne aux employés du groupe. L’arrivée de ChemChina « nous permettra de faire avancer avec plus de vigueur notre stratégie de croissance », a-t-il assuré.

Malgré ces promesses, l’accueil réservé à l’annonce italo-chinoise a été pour le moins réservée en Italie : « hier, une des rares grandes entreprises italiennes a changé de patron », a grincé lundi matin l’ancien dirigeant de la gauche et ex-chef du gouvernement Romano Prodi. « Aujourd’hui la politique industrielle se fait à Pékin, et nous en sommes quand même satisfaits car avant, même les Chinois ne venaient pas » investir dans le pays, a-t-il souligné en appelant à « retrouver une politique industrielle ».

> « Pouvait-on faire autrement ? »

Pour l’Italie, depuis des années en panne de croissance, cette nouvelle pilule amère arrive à peine quelques semaines après l’annonce de la cession à 100% d’un prestigieux quartier de gratte-ciels milanais au Qatar. Et Pirelli fait depuis toujours partie du paysage industriel milanais.

Fondé en 1872 dans la capitale lombarde, le groupe a commencé par fabriquer des pneus pour vélo avant de s’engager dans le secteur automobile naissant, y compris en compétition. Le groupe est actuellement fournisseur des pneus de Formule 1, mais aussi du championnat du monde des rallyes WRC, dont il a été le manufacturier unique de 2008 à 2010, et en moto dans le championnat du monde de Superbike.

Seul membre du gouvernement italien à réagir dans l’immédiat à cette annonce politiquement délicate, le ministre de l’Emploi Giuliano Poletti s’est montré moins sévère que Romano Prodi. « Il faut faire preuve de dynamisme et il faut le faire en ayant une idée : il me semble que c’est ce que Pirelli a fait, en maintenant son siège dans le pays, ainsi qu’une forte présence nationale. (…) Notre pays a besoin d’investissements internationaux », a-t-il lancé.

D’autres se sont voulus pragmatiques, comme Gian Maria Gros Pietro, président du conseil de gestion de la banque Intesa Sanpaolo, elle-même actionnaire indirecte de Pirelli via Camfin : l’accord conclu avec ChemChina « n’est pas idéal, mais où allons-nous trouver en Italie quelqu’un qui voudra disputer cette acquisition aux Chinois ? ».

Le quotidien La Repubblica va dans le même sens : l’opération est « le résultat de la mondialisation et de l’impossibilité pour une famille, les Tronchetti Provera, de maintenir le contrôle sur un groupe valant plus de 7 milliards d’euros malgré le soutien des principales banques du pays », note-t-il dans un éditorial lundi. « Pouvait-on faire autrement ? Il est difficile d’imaginer qu’un dirigeant arrivé au seuil des 70 ans puisse faire plus », relève le journal.

AFP

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