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Les rivaux libyens arrivés à Moscou pour leurs pourparlers de cessez-le-feu


Fayez al-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar, dont les troupes s'opposent depuis plus de neuf mois aux portes de Tripoli. (Photos by FETHI BELAID and HO / various sources / AFP)

Les deux chefs des belligérants libyens sont arrivés lundi à Moscou pour des négociations destinées à signer un accord formel de cessez-le-feu, entré en vigueur la veille en plein ballet diplomatique pour éviter que ce conflit dégénère.

La venue du chef du gouvernement reconnu par l’ONU (GNA), Fayez al-Sarraj, et de l’homme fort de l’Est, le maréchal Khalifa Haftar, dont les troupes s’opposent depuis plus de neuf mois aux portes de Tripoli, illustre l’influence croissante de Moscou dans cet épineux dossier. La Russie n’a pas indiqué si une rencontre physique aura lieu entre les deux rivaux, qui se sont vus la dernière fois en février à Abou Dhabi. Aux côtés de leurs homologues russes, les ministres turcs des Affaires étrangères et de la Défense, Mevlut Cavusoglu et Hulusi Akar, doivent chapeauter la rencontre. Ankara soutient Sarraj et déploie même pour ce faire des militaires, tandis que Moscou, malgré ses dénégations, est soupçonné d’appuyer Haftar avec des armes, de l’argent et des mercenaires.

Une influence croissante pour Moscou 

Selon le président du Conseil d’Etat Khaled al-Mechri, allié du GNA, la discussion pourrait notamment porter sur le déploiement de « forces de surveillance » dont il n’a pas précisé la nature. S’exprimant lors d’une courte intervention télévisée, Fayez al-Sarraj a appelé les Libyens à « se lancer vers la stabilité et la paix ». Signe de leur poids croissant dans le chaos libyen et malgré leur rivalité sur le terrain, les présidents Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan avaient annoncé le 8 janvier le cessez-le-feu qui est entré en vigueur dimanche. Cette trêve doit servir de prélude à une conférence internationale sur la Libye à Berlin sous l’égide de l’ONU, prévue pour le 19 janvier. La chancelière Angela Merkel est d’ailleurs venue samedi à Moscou pour des pourparlers avec le président russe. Ce dernier a enchaîné les conversations téléphoniques avec les dirigeants arabes et européens.

Pour Moscou, il s’agit d’accroître encore son influence au Moyen Orient et de regagner le terrain perdu en Libye, en profitant de l’échec occidental à pacifier le pays depuis neuf ans. « Si ce processus de paix décolle, la Russie va renforcer son rôle de faiseur de paix et réussir à garder Haftar », note Alexeï Malachenko, expert russe des questions de défense. Mais des analystes doutent toutefois qu’une trêve puisse durer. « Haftar a une cible : la prise militaire de la capitale, ce qui lui permettrait de s’asseoir à la table des négociations en dictant sa loi », souligne Federica Saini Fasanotti de la Brookings Institution. Sur le terrain dimanche, des tirs d’armes légères ont été entendus par intermittence au sud de la capitale, mais le front est resté globalement calme.

Éviter une « seconde Syrie »

Entre l’arrivée sur le terrain libyen de la Turquie, la présence suspectée de mercenaires russes et l’existence d’une multitude de groupes armés — notamment des milices jihadistes, des trafiquants d’armes et des passeurs de migrants — la communauté internationale craint de voir le conflit libyen s’internationaliser et dégénérer. Comme en Syrie, où leur entente leur a permis de devenir les gendarmes du conflit bien qu’ils soutiennent des camps opposés, Moscou et Ankara se sont imposés, face à l’impuissance des Occidentaux, comme des médiateurs incontournables en Libye, pays plongé dans le chaos depuis 2011. L’Europe redoute en particulier que la Libye ne devienne une « seconde Syrie » et veut réduire la pression migratoire à ses frontières, car elle a recueilli ces dernières années des centaines de milliers de migrants fuyant les conflits du monde arabo-musulman.

Le président français Emmanuel Macron a ainsi insisté sur la nécessité d’un cessez-le-feu « crédible », tandis que l’UE veut croire en une « opportunité importante » pour renouer le dialogue. Pour Moscou, les Occidentaux sont largement responsables du conflit en Libye, pays ayant les plus importantes réserves africaines de pétrole, car ils ont soutenu militairement avec les bombardements de l’Otan les rebelles qui ont renversé et tué le colonel Mouammar Kadhafi en 2011. Hormis des gains géopolitiques sur ses rivaux et un accès privilégié au pétrole libyen, la Russie espère retrouver ce marché pour ses armes et son blé. D’autant que Vladimir Poutine ambitionne de prendre pied en Afrique. La Turquie a aussi des visées pétrolières, à la faveur d’un accord controversé avec le GNA qui élargit le plateau continental turc et lui permet de revendiquer l’exploitation de certains gisements.

AFP/LQ

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