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Les médecins indiennes manifestent après le viol et le meurtre de l’une des leurs


(photo AFP)

Radhika, une médecin indienne de 28 ans, rêvait depuis son plus jeune âge de sauver des vies, mais depuis le viol et le meurtre d’une de ses collègues elle s’inquiète pour sa sécurité.

La découverte le 9 août du corps ensanglanté d’une femme médecin de 31 ans dans l’hôpital public de Calcutta où travaille Radhika a suscité l’indignation à travers tout le pays.

Son meurtre et son viol ont mis en lumière les dures conditions de travail de femmes médecins, en proie à la peur. « J’étais de service de nuit deux jours avant cet incident », explique Radhika qui exerce au sein de l’hôpital universitaire R.G. Kar à Calcutta.

« Ce qu’elle a fait est ce que nous faisons toutes : se reposer dès que nous le pouvons et où nous le pouvons », dit-elle.

La jeune femme assassinée – dont l’identité n’a pas été officiellement révélée mais que les manifestants ont surnommé « l’Abhaya » (l’intrépide) – a été retrouvée dans une salle de cours de l’hôpital universitaire, où elle serait allée se reposer après de longues heures de travail.

Pour Radhika, dont le nom a été changé par craintes de représailles professionnelles, les horaires à rallonge, avec à peine le temps de manger ou se reposer, sont monnaie courante.

« Cela aurait pu arriver à n’importe laquelle d’entre nous », souligne-t-elle.

Radhika se souvient d’un moment terrifiant où deux hommes ont fait irruption dans la pièce où elle se reposait. « J’ai eu très peur ».

Absence de mesures de sécurité

Des dizaines de milliers d’Indiens ont pris part aux manifestations, auxquelles avaient appelé les médecins pour obtenir la mise en place de mesures préventives, une manière pour eux d’exprimer leur colère face au problème chronique de la violence faite aux femmes.

Selon l’organisation Dasra, les femmes représentent près de 30 % des médecins en Inde et 80 % du personnel infirmier. Les agressions de praticiennes sont fréquentes.

La Cour suprême indienne a ordonné mardi la création d’un groupe de travail pour renforcer la sécurité du personnel soignant, déclarant que « la brutalité de l’agression sexuelle et la nature du crime », commis le 9 août à Calcutta, « ont choqué la nation ».

Elle s’est dite contrainte d’intervenir car « l’absence de mesures de sécurité dans les établissements de santé face à la violence à l’encontre du personnel constitue une grave préoccupation ».

Cette juridiction a notamment souligné « le manque de caméras de vidéosurveillance » et de détecteurs de métaux pour les visiteurs dans les hôpitaux.

La directrice des soins de l’hôpital KC dans la ville de Bengalore (sud), Indira Kabade, s’inquiète aussi pour les employées rentrant chez elles après le travail. « Nous ne savons jamais si elles sont suivies », note-t-elle

« Bien que nous travaillions sans relâche pour sauver des vies, il est nécessaire de repenser la sécurité sur le lieu de travail », selon elle.

Indira Kabade et beaucoup de ses collègues femmes veulent une « sécurité similaire à celle d’un aéroport », avec des policiers postés.

« Repenser la sécurité » 

L’atrocité des faits survenus à l’hôpital a réveillé le souvenir du viol et du meurtre dont avait été victime une jeune femme dans un autobus en 2012 à New Delhi.

Près de 90 viols par jour ont été signalés en 2022 dans ce pays de 1,4 milliard d’habitants. Les experts estiment toutefois que ce chiffre ne représente que la partie émergée de l’iceberg, en raison de la culture du silence qui prévaut dans cette société très patriarcale.

Les médecins épuisés dorment quand ils le peuvent, sur une chaise ou à même le sol. « Ils sont tout simplement complètement épuisés et leur corps est à bout », résume Radhika.

Dans des hôpitaux aux conditions sanitaires déplorables, il existe des toilettes pour les médecins, mais les hommes et les femmes doivent les partager, et certaines ne ferment pas à clé.

Une femme médecin de Thiruvananthapuram, une ville de l’État du Kerala (sud), affirme être, tout comme ses collègues, victime quotidiennement d’agressions verbales ou physiques.

Les femmes médecins ont été encouragées à participer à des cours d’autodéfense organisés par l’association des médecins.

« Certaines personnes qualifient les médecins de dieux ou d’anges », souligne cette femme exerçant son métier au Kerala.

« Nous pensons donc que nous sommes à l’abri des crimes. Et lorsqu’un tel crime se produit dans un endroit que nous considérons comme le plus sûr, nous sommes tous effrayés. »

Bien qu’elle s’interroge sur sa sécurité, Radhika n’a pas de doute sur son avenir à Calcutta : « je me battrai et je continuerai à travailler pour soigner les autres ».