La coalition de gauche menée par Jean-Luc Mélenchon a réalisé une percée spectaculaire dimanche aux élections législatives, lui permettant d’être au même niveau que le camp macroniste et d’espérer priver Emmanuel Macron de majorité absolue.
L’abstention record qui, en général, touche davantage les quartiers populaires et les jeunes –d’importants viviers d’électeurs pour la gauche–, n’a pas empêché la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) de transformer les promesses des bons sondages. La Nupes est arrivée d’un cheveux derrière la coalition présidentielle Ensemble! en nombre total de voix (25,66% des voix contre 25,75%). Elle compte quatre députés élus dès le premier tour sur cinq.
Symbole fort, en Seine-Saint-Denis, bastion historique de la gauche communiste, la Nupes a raflé les premières places dans les douze circonscriptions, et le député insoumis sortant Alexis Corbière fait partie des rares à avoir été réélu au premier tour. LFI compte aussi trois autres élues à Paris, la sortante Daniele Obono et les nouvelles venues Sarah Legrain et Sophia Chikirou.
A La Fabrique, dans le Xe arrondissement de Paris, Jean-Luc Mélenchon a pris la parole « avec émotion », revendiquant: « La Nupes arrive en tête, elle sera présente dans plus de 500 circonscriptions au deuxième tour et, dès lors, les projections en sièges à cette heure n’ont aucun sens sinon celui de maintenir une illusion ».
Estimant que le parti présidentiel est « battu et défait », il s’est adressé en vue du second tour à « la jeunesse et tous les milieux populaires si durement éprouvés par 30 ans de néolibéralisme », les invitant à déferler dans une semaine pour rejeter le projet « funeste » d’Emmanuel Macron. M. Mélenchon a aussi salué « l’accord » créant la Nupes, « qui a rendu possible » cette percée.
« Déjouer les projections »
Jean-Luc Mélenchon reste pour l’heure loin d’être Premier ministre, son axe de campagne, mais le « pari est réussi », a estimé Frédéric Dabi, de l’Ifop, sur LCI: « Une partie importante de l’électorat de gauche a cru à ce récit de Jean-Luc Mélenchon, la Nupes arrive à capter près de 70% de l’électorat de gauche ». « Nous avons réalisé un score historique » grâce à la « bannière commune » de la Nupes, a dit le chef d’EELV Julien Bayou.
« Nous avons déjoué les pronostics, l’enjeu c’est maintenant de déjouer les projections » de second tour, a-t-il ajouté. Il a expliqué à des journalistes « ne pas savoir dire comment se fera le report de voix, car cette bannière commune, c’est un ovni ».
Pour le socialiste Stéphane Troussel, président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, ce résultat montre « que la Nupes, ça a marché ». Il a estimé auprès de l’AFP que la gauche avait « clairement des réserves de voix chez les jeunes et les catégories populaires au second tour ». « C’est un très bon résultat » pour l’ensemble de la Nupes, s’est félicité le dirigeant communiste Ian Brossat, selon lequel son chef Fabien Roussel est en ballottage favorable dans sa circonscription de Saint-Amand-les-Eaux.
Christian Benedetti, acteur et metteur en scène présent à La Fabrique, s’est projeté vers le second tour: « Tous ceux qui ne sont pas allés voter parce qu’ils étaient fatigués, parce qu’ils n’y croyaient pas, parce qu’ils se disaient +c’est foutu+, je pense que dimanche prochain, ils vont se lever, ils vont aller voter parce qu’ils voient que là c’est possible ».
La plupart des personnalités de la gauche sont qualifiées au second tour, comme Julien Bayou (EELV), Olivier Faure (PS), Fabien Roussel (PCF), ou Sandrine Rousseau (EELV). Certains candidats Nupes mettent même en danger certains ministres, comme le socialiste Jerôme Guedj qui menace dans l’Essonne la ministre Amélie de Montchalin.
Beaucoup des dissidents socialistes à la Nupes ont été balayés. Lamia El-Aaraje a essuyé un décevant 17,5% dans la 15e circonscription de Paris, malgré le soutien de Lionel Jospin et du PS, face à la candidate de la Nupes, l’Insoumise Danielle Simonnet (48%). Elles sont toutes deux au second tour.
En Dordogne et dans la Sarthe, deux des départements avec le plus de dissidents PS, la plupart d’entre eux échouent mais empêchent parfois le candidat Nupes de se qualifier.
Certains dissidents ont profité de leur ancrage local pour se qualifier, comme David Habib dans la 3e circonscription des Pyrénées-Atlantiques (36,6%). Dans la 2e circonscription de l’Ariège, le sortant LFI Michel Larive (29%) est même menacé dans son duel de second tour par Laurent Panifous (21,8%).