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Le peuple zoulou couronne un roi controversé


Les onze millions de Zoulous du pays, soit quasiment un Sud-Africain sur cinq, répondent généralement en masse aux invitations à célébrer leur culture. (Photo : afp)

Misuzulu Zulu est apparu dans un spectaculaire habit de plumes noires : le nouveau roi du peuple zoulou, couronné malgré une féroce guerre des clans au palais du «peuple du ciel», a été intronisé samedi en Afrique du Sud devant une foule immense.

En Afrique du Sud, pays aux onze langues officielles, les souverains et chefs traditionnels sont reconnus par la Constitution. Rois sans pouvoir exécutif, ils exercent une profonde autorité morale et sont vénérés par leur peuple. Pour succéder à son père, Goodwill Zwelithini, mort l’année dernière après 50 ans de règne, Misuzulu Zulu, 47 ans, est entré, comme le veut la tradition, dans «l’enclos à bétail» du palais de KwaKhethomthandayo, à Nongoma, petite ville de la province du KwaZulu-Natal (KZN, au sud-est du pays) et berceau de la plus grande ethnie d’Afrique du Sud.

Seuls quelques membres de la famille royale et «amaButho» (guerriers) sont autorisés à pénétrer dans cette sorte de temple de la nation zouloue. Une poignée de personnes savent ce qu’il s’y est passé. Le souverain a été «ensuite présenté à la nation, qui (s’est engagée) à le respecter et l’accepter comme roi», explique Gugulethu Mazibuko, spécialiste en cultures africaines à l’université du KZN.

11 millions de Zoulous à l’événement

Dans l’enceinte du palais, vendredi, à la veille du couronnement, les préparatifs allaient bon train. Des hommes montaient des chapiteaux, d’autres sacrifiaient les vaches qui ont été servies samedi à la fête. La veille, le roi a tué un lion dans une réserve voisine, dernière étape avant le couronnement.

Les onze millions de Zoulous du pays, soit quasiment un Sud-Africain sur cinq, répondent généralement en masse aux invitations à célébrer leur culture. Les femmes, en tenues traditionnelles, hululent et frappent le sol en cadence. Les jeunes filles apparaissent seins nus, portant seulement des colliers de perles colorées. De longues colonnes d’hommes vêtus de peaux de bêtes et armés de sagaies miment la guerre, héritage du glorieux passé belliqueux contre le colon.

Guerre de palais

Car la grandeur et la renommée du peuple zoulou, qui résonnent au-delà des frontières africaines, reposent originellement sur les exploits de Chaka, impitoyable guerrier et créateur de l’armée qui, au XIXe siècle, remporte une bataille sanglante contre l’Empire britannique. Des guerriers pieds nus, habillés de jupes en peau de singe et de bracelets, défont une armée régulière. L’imaginaire fait le reste, les historiens trouvent un surnom : «les Spartiates d’Afrique». «Cette nation est fière de son identité», résume Gugulethu Mazibuko.

Des poètes du roi ont déambulé dans la foule, contant la légende du peuple guerrier. «La nation zouloue entre aujourd’hui dans un nouveau chapitre. Je promets de travailler à l’unir», a déclaré Misuzulu Zulu – dont le nom signifie «renforcer le peuple zoulou» – lorsqu’il est apparu devant la foule.

La nation zouloue entre aujourd’hui dans un nouveau chapitre. Je promets de travailler à l’unir

Mais, depuis plus d’un an, c’est à l’intérieur du palais que la bataille fait rage. Fils de la favorite et troisième femme du roi défunt, Misuzulu Zulu est contesté par la première épouse et ses descendants. Et, dernier coup de théâtre, la justice avait annoncé vendredi réexaminer le recours de l’épouse courroucée, qui clame être la seule légitime et conteste le testament. Un recours qui a échoué samedi.

Le roi Goodwill Zwelithini avait au total six femmes et au moins 28 enfants. À ce jour, trois princes de différentes lignées prétendent au trône. Cette guerre de palais fait du peuple zoulou «une risée», a déploré vendredi lors d’une conférence de presse Mangosuthu Buthelezi, membre de la famille royale.

Train de vie fastueux

Outre la couronne, la fortune du roi est également au centre de la dispute. Le roi zoulou est un riche propriétaire de terres gérées par un trust dont il est seul administrateur. Il détient près de 30 000 km2, soit la superficie de la Belgique. Et près de 1 500 propriétés dont il peut tirer des loyers. Connu pour mener un train de vie fastueux, le roi Zwelithini percevait environ 75 000 euros de l’État par an pour son usage personnel, ainsi qu’un budget de 4,2 millions d’euros pour le fonctionnement du royaume, selon un barème publié au journal officiel.

Un soutien à un souverain qui joue un rôle de garant de la paix sociale. «Il veille au bien-être de ses sujets, se soucie des questions de pauvreté et du développement de la communauté», plaidant par exemple pour la création d’infrastructures, explique Sihawukele Ngubane, de l’université du KZN.

Dans les prochains mois, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, scellera le couronnement en reconnaissant formellement le roi des Zoulous, espérant mettre fin aux rivalités qui menacent la paix sur le royaume.

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