La conservatrice maltaise Roberta Metsola a été réélue mardi à la présidence du Parlement européen, renouvelé en juin et où l’extrême droite renforcée convoite des postes malgré ses divisions et un « cordon sanitaire » revendiqué.
Cette plénière à Strasbourg, qui a entamé une nouvelle législature de cinq ans avec l' »Hymne à la Joie » de Beethoven, sera marquée jeudi par un vote pour reconduire Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission européenne.
Élus début juin, les 720 eurodéputés, dont 39 % de femmes, ont déjà accordé à une écrasante majorité (562 voix) un second mandat de deux ans et demi à Roberta Metsola, 45 ans, comme présidence de la seule institution élue de l’UE.
Issue du PPE (droite), première force politique du Parlement, et troisième femme à occuper cette fonction après les Françaises Simone Veil et Nicole Fontaine, Roberta Metsola s’était notamment distinguée par son soutien très actif en faveur de l’Ukraine.
« Il faut un Parlement fort dans une union forte (…) maintenir la pression pour garantir notre droit d’initiative (face à la Commission), améliorer nos pouvoirs de contrôle et d’enquête », a-t-elle insisté.
La désignation mardi, via des scrutins complexes à plusieurs tours, des 14 vice-présidents du Parlement – chargés d’animer des sessions en orchestrant votes et prises de parole – sera particulièrement scrutée en raison des exigences des deux grands groupes d’extrême droite.
Même si la coalition centriste PPE (droite, 188 sièges), Renew (libéraux, 77) et S&D (sociaux-démocrates, 136) reste majoritaire, les droites radicales et nationalistes ont fortement progressé et veulent peser davantage.
Leggeri, l’un des vice-présidents ?
ECR, le groupe d’extrême droite Conservateurs et réformistes européens (78 eurodéputés) associé à la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni, comptait un vice-président depuis 2022 : il en exige désormais deux, malgré les résistances de la gauche.
Surtout, une nouvelle formation, Patriotes pour l’Europe, s’est imposée comme troisième force avec 84 eurodéputés, pour beaucoup réticents sur le soutien à l’Ukraine. Ils sont issus notamment de Vox (Espagne), du Fidesz de Viktor Orban et du Rassemblement national (France), avec Jordan Bardella à leur tête.
Selon la clé de répartition habituelle, deux vice-présidences leur reviennent.
Une ligne rouge absolue pour les groupes de la majorité centriste, qui entendent s’accorder sur des candidats alternatifs. « Nous ne voulons pas voir les amis de Poutine représenter l’institution », souligne Pedro Lopez de Pablo, porte-parole du PPE.
Les eurodéputés Patriotes, qui pourraient également être exclus la semaine prochaine des présidences de commissions parlementaires, dénoncent un cordon sanitaire « antidémocratique ».
« C’est important de manifester notre volonté de prendre toute notre part au travail parlementaire », rétorque l’élu français RN Fabrice Leggeri, ex-directeur de Frontex, l’agence de l’UE chargé des frontières, candidat à la fonction.
« Les parlementaires représentés ont tous un mandat des électeurs : il est normal de confronter des idées politiques, le Parlement est justement le lieu pour le faire d’une manière démocratique », a-t-il déclaré à la sortie de l’hémicycle.
Parmi les Patriotes, certains profils suscitent la controverse, dont celui du général italien Roberto Vannacci, issu de la Ligue de Matteo Salvini et auteur d’un livre truffé de déclarations homophobes, misogynes et anti-migrants.
A contrario, les élus d’ECR eux-mêmes, volontiers atlantistes et favorables au soutien militaire à l’Ukraine – à la différence des Patriotes -, pourraient être dans le jeu dans la répartition des postes.
« Mme Meloni n’était pas dans le cordon sanitaire, à l’inverse du groupe ID dont sont issus les Patriotes : ce qui pose problème, c’est qu’ils sont pro-Poutine, c’est ça la ligne rouge », observe Pascale Joannin, de la Fondation Schuman.
Écologistes courtisés
Ursula von der Leyen, qui espère obtenir jeudi le feu vert des députés pour un second mandat, n’a, elle, pas exclu de collaborer avec certains partis d’ECR.
Si la coalition PPE-socialistes-libéraux obtient la majorité absolue de 361 eurodéputés dont elle a besoin jeudi pour être reconduite, la dirigeante allemande doit aussi parer aux défections significatives attendues lors d’un scrutin à bulletins secrets à l’issue très serrée.
De quoi la pousser à solliciter le soutien des écologistes (53 sièges), qui exigent des engagements sur le Pacte vert.
Voire à compter sur des élus d’ECR. Or, libéraux, socialistes et Verts s’opposent farouchement à tout recours à ECR pour conforter la cheffe de l’exécutif européen.
« C’est crucial de construire une majorité stable avec des partis pro-démocratie, pro-UE », indique la codirigeante des Verts Terry Reintke.