Le Nigeria envisage d’offrir l’amnistie à des islamistes de Boko Haram emprisonnés en échange de la libération des lycéennes enlevées à Chibok, a déclaré mercredi le président Muhammadu Buhari.
« Si les responsables de Boko Haram acceptent de nous rendre les filles de Chibok, toutes ces filles, nous pourrions décider d’accorder l’amnistie » à leurs prisonniers, a-t-il dit au dernier jour d’une visite en France. « Mais nous sommes très prudents, a-t-il poursuivi: à moins d’être sûrs qu’elles sont en relativement bonne santé, nous n’allons libérer » personne. De même, « nous garderons nos prisonniers jusqu’à être certains du nombre de filles que nous pouvons récupérer. »
Les militants islamistes de Boko Haram avaient fait irruption le 14 avril 2014 au lycée de Chibok, dans l’Etat de Borno, berceau de leur mouvement, pour y enlever 276 adolescentes qui se préparaient à passer leurs examens. Cinquante-sept ont réussi à s’échapper mais le sort des 219 autres reste incertain. Leur disparition continue d’émouvoir autant le pays que la communauté internationale.
Un mois après l’enlèvement, une vidéo en montrait plusieurs dizaines, vêtues de noir et récitant le Coran avec résignation. Le leader de Boko Haram, Abubakar Shekau, annonçait qu’elles avaient été converties à l’islam et « mariées » à des militants du mouvement islamiste. Selon des défenseurs des droits de l’homme, elles sont en fait soumises au groupe et parfois vendues en esclavage à des militants, voire utilisées comme « bombes humaines » dans des attentats-suicides.
Muhammadu Buhari, un ancien général de 72 ans, a pris ses fonctions en mai lors de la première alternance démocratique au Nigeria depuis la fin des dictatures militaires en 1999. Il a érigé en priorité de vaincre l’organisation islamiste, tenue pour responsable de la mort de plus de 15 000 personnes en six ans, essentiellement dans le nord-est du Nigeria. Mi-août, il avait donné trois mois aux forces armées pour en finir avec Boko Haram.
« Nous faisons des progrès », a-t-il assuré mercredi, en prédisant la fin prochaine des « attaques conventionnelles » que mène Boko Haram « avec des véhicules blindés volés à l’armée ou des mitraillettes installées sur des pick-up ». Toutefois, a-t-il admis, les attentats à la bombe artisanale risquent, eux, de se poursuivre au delà de l’échéance fixée, « parce qu’elles sont tellement simples à fabriquer à partir de gaz de cuisine ou d’engrais ». « Nous ne nous attendons pas à un arrêt à 100% de l’insurrection », a reconnu le président Buhari.
Boko Haram, qui a perdu le contrôle d’un vaste territoire depuis février, a de plus en plus recours à des techniques de guérilla, telles que le bombardement de cibles civiles ou les attentats-suicides.
Depuis la fin mai, des centaines de personnes ont été tuées dans ce type d’attaques dans le nord-est du Nigeria et les attentats-suicides se sont étendus au Tchad et au Cameroun voisins ces dernières semaines. Vendredi encore, une bombe artisanale a fait sept morts et une vingtaine de blessés dans un camp de déplacés de l’Etat d’Adamawa (nord-est) et une kamikaze a tué deux personnes à un poste de contrôle du même Etat
Environ 8 700 hommes devaient être déployés dès août pour lutter contre Boko Haram dans le cadre d’une force régionale – la Force d’intervention conjointe multinationale (MNJTF) – à laquelle doivent participer le Nigeria, le Niger, le Tchad, le Cameroun et le Bénin.
Elle a pris du retard en raison « de la saison des pluies », a avancé le président nigérian, arguant que « les mouvements à pied ou en véhicules étaient très compliqués » par ce temps. Lundi, il s’était entretenu avec son homologue français François Hollande, qui avait comparé les islamistes nigérians à l’organisation Etat islamique (EI). « C’est le même terrorisme, inspiré par les mêmes idéologies de mort », avait lancé le chef de l’Etat français, dont l’armée apporte du « renseignement » à la lutte contre Boko Haram.
AFP / S.A.