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La difficile traque des jihadistes parmi les civils fuyant Mossoul


Quelque 26 000 personnes ont fui les combats de Mossoul en dix jours. (photo AFP)

Ils ont dû s’aligner sur un terrain aride au sud de Mossoul. Puis, un officier irakien s’adresse à ces hommes qui ont fui la deuxième ville du pays, les pressant d’avouer s’ils ont collaboré avec le groupe Daech (EI).

Chargé de la difficile tâche de détecter des jihadistes parmi les civils fuyant les combats à Mossoul, quelque 26 000 en dix jours, le lieutenant Abdullah Qassem se montre tour à tour encourageant puis tranchant en s’adressant aux quelque 70 hommes rassemblés dans le village d’Al-Salam. « Ils vous ont obligés à vous laisser pousser la barbe, ils ont interdit les cigarettes, ils ont pris le contrôle de vos vies », lance l’officier irakien vêtu de l’uniforme noir des forces d’élite du contre-terrorisme en appuyant sa démonstration avec une baguette. « Mais au cœur de l’islam il y a le pardon, pas les tueries et les combats. Vous comprenez donc tous quelle est la différence entre Daech et l’islam », poursuit-il. « Ceux d’entre vous qui les ont aidés, qui les ont laissés entrer dans leur maison ou qui leur ont donné leurs filles comme épouses ne sont pas des gens honorables », remarque Qassem devenu plus tranchant.

Un des hommes alignés réagit : « Mais nous ne pouvions pas les combattre, nous n’avions aucun moyen ». Le lieutenant Qassem, les yeux cachés derrière ses lunettes de soleil, se tourne vers lui : « Mais comment sont-ils entrés à Mossoul ? C’est bien la question », répond-il d’un ton sans appel, laissant entendre que la population locale de Mossoul s’est montrée bienveillante à l’égard des jihadistes lorsqu’ils prirent la ville en juin 2014.

La traque des jihadistes parmi les civils en fuite commence par la séparation des hommes et des femmes. Femmes et enfants sont accueillis dans une zone ombragée et reçoivent de l’eau et de la nourriture. Pendant ce temps, les hommes doivent donner leur nom et répondre à quelques questions préliminaires. Leurs identités sont ensuite entrées dans une base de données. Ceux qui sont soupçonnés d’appartenir à l’EI ou qui admettent immédiatement un lien avec le groupe jihadiste sont ensuite pris à part pour un interrogatoire plus poussé.

« N’ayez pas peur, Daech est fini »

Alignés par rangées de dix, ces hommes qui apparaissent exténués et nerveux, écoutent d’abord le discours du lieutenant Qassem. Puis ils doivent se lever et poser leurs mains sur les épaules de la personne devant eux. Un notable local, vieil homme couvert d’un chèche blanc immaculé, examine alors avec attention chaque rangée en parlant à voix basse avec un officier des renseignements. Ce dernier, qui refuse de donner son nom, prend ensuite la parole : « si vous connaissez quelqu’un qui a prêté allégeance ou qui a travaillé avec Daech, n’ayez pas peur, Daech est fini ».

Il fait signe à un jeune homme vêtu d’un survêtement de le rejoindre. « Regardez cet homme, il est venu m’avouer qu’il avait prêté allégeance et qu’il avait été avec eux pendant dix jours. Rien ne lui arrivera », poursuit-il un bras autour de l’épaule de l’homme dont l’expression alterne entre gêne et peur. L’officier souligne que toute reconnaissance de culpabilité tardive bénéficiera d’un accueil bien moins favorable des forces irakiennes. Un homme se lève et marche vers lui, tenant à la main un sac rempli de ses maigres possessions. « J’ai prêté allégeance et j’ai travaillé avec eux à Qayyara », une ville au sud de Mossoul. « Mais je le jure, je ne suis resté avec eux que 23 jours puis j’ai eu une permission et je ne suis jamais revenu ».

Un autre homme vêtu d’un survêtement se lève et se dirige vers l’officier qui sourit. « Vous voyez, rien ne vous arrivera, vous avez prêté allégeance, vous avez travaillé avec eux une semaine, un mois, trois mois, ce n’est rien mais nous avons besoin d’informations », dit-il. « Nous devons en finir avec Daech, c’est comme un cancer, si on en finit pas, il nous ravagera ».

Le Quotidien/AFP

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