Le Japon a commémoré discrètement vendredi la triple catastrophe du 11 mars 2011, quand l’un des plus violents séismes jamais enregistrés dans le monde avait provoqué un tsunami meurtrier qui a entraîné la catastrophe nucléaire de Fukushima.
Pour la première fois, aucune cérémonie nationale n’a été organisée cette année en mémoire des victimes, l’Etat japonais ayant décidé de cesser ces commémorations après les 10 ans du drame l’an dernier.
Mais comme chaque 11 mars, une minute de silence a été observée dans le pays à 14h46, l’heure à laquelle, en 2011, un tremblement de terre de magnitude 9.0 a ébranlé tout l’archipel et a été ressenti jusqu’en Chine.
Venue des profondeurs du sous-sol de l’océan Pacifique, au large des côtes nord-est du Japon, la terrible secousse a entraîné un tsunami dont les vagues, parfois hautes comme des immeubles, se sont abattues sur la région. Le lourd bilan humain de près de 18.500 morts ou disparus a été causé principalement par le tsunami.
Dans les zones meurtries par le raz de marée, des proches de victimes se sont rassemblés au bord de l’océan, parfois dès l’aube, pour se recueillir ensemble comme chaque année.
Des étudiants ont aussi fait voler des cerfs-volants peints de messages d’espoir, juchés sur de nouvelles digues géantes construites près des côtes, censées éviter à l’avenir une catastrophe d’une telle ampleur, selon des images filmées par la télévision japonaise.
Mais certains préfèrent éviter ces commémorations pour tenter d’enfouir leurs souffrances, comme Sadao Kon, un pêcheur local dont la sœur, le beau-frère et le neveu ont été emportés par le tsunami.
« J’essaie intentionnellement de ne pas marquer particulièrement ce jour. C’est un souvenir douloureux que j’aimerais oublier si je le pouvais », a confié cet homme de 68 ans à la chaîne de télévision publique NHK.
Défis sans fin à Fukushima
Il y a 11 ans, les flots en furie ont aussi envahi la centrale atomique de Fukushima Daiichi, bordant le Pacifique. Les cœurs de trois de ses réacteurs sont entrés en fusion, provoquant la pire catastrophe nucléaire civile depuis Tchernobyl (Ukraine) en 1986.
Cet accident a entraîné des fuites radioactives ayant forcé des dizaines de milliers d’habitants des zones environnantes à évacuer leur domicile en urgence, souvent définitivement.
Plus de 1.650 km² du département de Fukushima, soit 12% de sa superficie, avaient été interdits d’accès dans les mois suivant la catastrophe. Depuis, d’intenses travaux de décontamination ont permis de réduire ces zones inhabitables à 337 km², soit 2,4% du département.
Toutes les communes qui avaient été évacuées ont désormais retrouvé des habitants : depuis janvier de cette année, Futaba, la dernière localité près de la centrale qui était encore désertée, accueille cinq de ses anciens résidents.
Mais leurs populations restent très inférieures à leurs niveaux d’avant la catastrophe, beaucoup d’anciens habitants ne souhaitant pas revenir par crainte des radiations.
Jusqu’à près de 165.000 personnes du département avaient évacué leurs foyers, par obligation ou par choix personnel. Les autorités locales recensent encore aujourd’hui 33.365 personnes déplacées, dont 80% vivent hors du département de Fukushima.
Outre le chantier titanesque de la décontamination et du démantèlement de la centrale nucléaire, de nombreux autres défis persistent, à commencer par la réputation des produits alimentaires locaux, bien que leur sécurité soit rigoureusement contrôlée.
L’image de Fukushima risque aussi de pâtir du projet, validé l’an dernier par le gouvernement japonais, de rejeter dans l’océan plus d’un million de tonnes d’eau contaminée provenant de la centrale nucléaire dévastée et contenant toujours du tritium.
Bien que ce processus supervisé par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) devrait s’étaler sur des décennies, pour éviter de libérer trop brutalement dans l’océan des concentrations élevées de ce radionucléide, le projet a soulevé l’indignation de pays voisins du Japon et des pêcheurs locaux.
Au-delà des personnes directement concernées, le souvenir du drame de 2011 s’estompe au Japon, selon des sondages, bien que l’invasion russe de l’Ukraine ait ranimé ces dernières semaines le spectre d’une catastrophe nucléaire.