Le Premier ministre italien Mario Draghi, affaibli par la défection d’un parti de sa coalition, a présenté jeudi soir sa démission, aussitôt refusée par le président Sergio Mattarella, qui lui a demandé de compter ses troupes au parlement.
« Le président de la République n’a pas accepté la démission du président du Conseil et l’a invité à se présenter au parlement (…) afin qu’ait lieu une évaluation de la situation », a annoncé jeudi soir la présidence.
Mario Draghi avait fait part de son intention de jeter l’éponge après la décision du Mouvement 5 Etoiles (M5S, antisystème), membre de sa coalition, de boycotter en milieu d’après-midi un vote de confiance au Sénat. « La majorité d’unité nationale qui a soutenu ce gouvernement depuis sa création n’existe plus », a-t-il expliqué lors d’un conseil des ministres convoqué d’urgence.
L’ancien patron de la Banque centrale européenne était arrivé aux affaires début 2021 pour constituer une coalition suffisamment large et solide pour surmonter l’urgence pandémique et la crise économique qui s’est ensuivie.
Hormis le parti Fratelli d’Italia (extrême droite), les principales formations représentées au parlement sont entrées dans la coalition, du centre-gauche (Parti démocrate, Italia Viva) à la Ligue (extrême droite, anti-immigration), en passant par le parti de Silvio Berlusconi Forza Italia (centre droit), et le Mouvement 5 Etoiles.
Frictions
Mais les frictions n’ont pas cessé avec le M5S, que ce soit à l’intérieur du parti ou au sein du gouvernement.
Et conformément à l’annonce faite mercredi soir par Giuseppe Conte, prédécesseur de Mario Draghi et actuel patron du M5S, les sénateurs de son parti n’ont pas participé au vote de confiance demandé par l’exécutif sur un décret-loi contenant des mesures d’environ 23 milliards d’euros pour aider les familles et les entreprises face à l’inflation.
Le texte est passé. Toutefois sans le soutien des M5S, Mario Draghi considère que son gouvernement devient « politique » et estime n’avoir pas été mandaté pour conduire un cabinet de cette nature, alors même qu’il n’a pas besoin de leurs voix, ni à la Chambre des députés, ni au Sénat.
« J’ai toujours dit que ce gouvernement continuerait seulement s’il avait une perspective claire de réaliser le programme » sur lequel il avait été investi, a-t-il justifié jeudi soir.
Draghi bis ?
Le chef de l’État s’est donc refusé à le laisser partir en plein été, au risque de faire entrer l’Italie dans une période d’instabilité. Sergio Mattarella est en outre de notoriété publique opposé à ce que les législatives, actuellement prévues en 2023, soient avancées à l’automne.
Cette décision permet de « renvoyer Mario Draghi devant le parlement pour vérifier si une majorité existe encore pour ce gouvernement », a expliqué Lorenzo Castellani, professeur de sciences politiques à l’université Luiss de Rome.
Le chef du Parti démocrate, l’un des principaux membres de la coalition, s’est aussitôt réjoui sur Twitter, s’engageant à « travailler pour que le parlement confirme sa confiance au gouvernement Draghi et que l’Italie sorte le plus rapidement possible de la chute en vrille dans laquelle elle est tombée ces dernières heures »
À l’origine de la crise, le décret-loi sur des aides en faveur du pouvoir d’achat contient également une mesure pour faciliter la construction d’un incinérateur d’ordures à Rome, à laquelle sont opposés les M5S.
« Il faut répondre au malaise social qui augmente de manière claire et décidée. Les irresponsables, ce n’est pas nous, ce sont ceux qui ne donnent pas de réponse au pays », a plaidé Mariolina Castellone, cheffe des sénateurs du M5S, au Sénat jeudi.
La bourse chute
Mais le mouvement a aussi, voire surtout, des arrière-pensées électoralistes, selon les analystes. « Le M5S s’écroule dans les sondages et a besoin de récupérer de la visibilité (…). Il veut être au centre de l’attention », a expliqué à l’AFP Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor italien et professeur invité à la London School of Economics.
Le M5S, vainqueur des dernières élections législatives, en 2018, avec 32% des voix et une majorité relative au Parlement, n’a cessé depuis de dégringoler dans les intentions de vote, aujourd’hui à 10%-11%, et nombre de ses élus l’ont quitté depuis.
Un tiers de ses députés, environ 50, a fait scission et a suivi l’ancien chef du M5S, l’actuel ministre des Affaires étrangères Luigi Di Maio, qui a récemment créé son propre parti, Ensemble pour l’avenir (IPF).
L’incertitude régnant sur l’avenir du gouvernement Draghi n’a pas manqué de causer des turbulences sur les marchés : la Bourse de Milan a chuté de plus de 3% jeudi et le coût de la dette de l’Italie est reparti à la hausse, signe de la nervosité ambiante. Le spread, le très surveillé écart entre les taux d’intérêt allemand et italien à dix ans, a atteint 218 points, en hausse de 6,08%, après être monté jusqu’à 224 points.
La fuite en avant, le quoi qu’il en coûte (whatever it takes) ont leur limite. En Italie, elle largement dépassée, tout comme en France.
L’Italie fera faillite, à moins qu’elle ne revienne à la lire et puisse dévaluer régulièrement.
Maintenant que, grâce à une politique stupide, les allemands sont aussi dans la mouïse, c’est tout l’édifice euro qui vacille et la BCE aura beau imprimer tout l’argent qu’elle peut, cela ne fera que déprécier l’euro, déjà bien faible vis à vis du dollar US.