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Irak : la crise Iran/Arabie réveille les craintes d’une nouvelle guerre civile


Un policier irakien marche parmi les débris dans une mosque sunnite touchée par un attentat à la bombe à Hilla, à 80 km au sud de Bagdad le 4 janvier 2016. (Photo : AFP)

Des attaques contre des lieux de culte au sud de Bagdad réveillent les craintes d’une escalade des tensions entre sunnites et chiites et d’un retour de la guerre civile qui avait ensanglanté l’Irak il y a une décennie.

Frontalier à la fois de l’Iran et de l’Arabie saoudite, l’Irak est majoritairement chiite mais compte une importante minorité sunnite. Ces deux communautés s’étaient violemment affrontées en 2006 et 2007, mais les experts estiment improbable le retour de telles violences à grande échelle.

L’inquiétude a cependant grandi après l’exécution samedi par les autorités saoudiennes du chef religieux chiite saoudien Nimr Baqer al-Nimr qui a provoqué la colère dans le monde chiite. Deux mosquées sunnites ont été visées par des attentats à la bombe à Hilla et Iskandariya (sud) faisant deux morts, un civil déplacé et un muezzin.

Iskandariya est située dans une région mixte où cohabitent sunnites et chiites et qui avait été surnommée «le triangle de la mort» dans les années 2000 en raison des violences interconfessionnelles. La nature des deux attaques et les lieux visés évoquent les moments sombres de la guerre civile qui avait coûté la vie a des dizaines de milliers de personnes entre 2006 et 2007.

Le Premier ministre irakien Haider al-Abadi, un chiite, a d’ailleurs averti dimanche du potentiel déstabilisateur de la crise diplomatique entre les deux puissances rivales du Moyen-Orient, le royaume saoudien sunnite et l’Iran chiite, après l’exécution de Nimr.

Ces inquiétudes sont partagées par les habitants des quartiers mixtes, comme Ali Hamza, 27 ans, qui vit près de l’une des deux mosquées détruites. «Plusieurs familles craignent la résurgence des violences comme celles de la guerre civile», témoigne-t-il.

Aucun groupe n’a revendiqué jusqu’ici les attentats contre les deux mosquées et le lien avec l’exécution de cheikh Nimr n’est pas établi. «Quelques personnes veulent allumer une étincelle pour relancer la guerre entre les Irakiens et nous devons les empêcher car ces actes ne servent que les ennemis», a affirmé Mohammed Abdelfattah, un dignitaire religieux de Hilla.

Mais les experts jugent improbable un tel scénario car le contexte a changé en une décennie. «Les chiites ont clairement gagné la guerre civile et le nombre de sunnites voulant encore s’engager dans une guerre perdue est en déclin», estime Michael Knights du Washington Institute.

Il souligne que «l’uniformisation confessionnelle» a été fortement engagée par la guerre civile, réduisant les disparités sociales entre les différentes communautés et rendant moins probable (des opérations de) «nettoyage communautaire».

Rôle de médiateur

Outre les nombreuses pertes civiles, le conflit avait provoqué le déplacement de plus de quatre millions de personnes, remodelant la carte confessionnelle du pays peuplé à 65% de chiites. De plus, l’émergence il y a deux ans du groupe jihadiste Etat islamique (EI) et le fait que des milices chiites aient été mobilisées pour le combattre ont pratiquement anéanti tout pouvoir sunnite en Irak, selon des analystes.

L’influence de l’Arabie saoudite sur les tribus de la vaste province sunnite d’Al-Anbar a ainsi diminué, relève Ayham Kamel, directeur du Proche-Orient et de l’Afrique du nord à Eurasia Group. Sur le plan géopolitique, toute tentative saoudienne de mener une guerre par procuration en Irak «conduirait à un conflit par extension avec les Etats-Unis», qui soutiennent fortement Bagdad, prévient M. Knights.

Selon cet expert, la Syrie, en guerre depuis plus de quatre ans, et le Yémen, empêtré lui aussi dans un conflit civil depuis plusieurs mois, se prêtent mieux à la lutte d’influence entre l’Iran et le royaume saoudien. Dans ce contexte, Bagdad cherche à tenter de jouer un rôle de médiateur pour contribuer à atténuer l’escalade entre l’Iran et l’Arabie saoudite.

Le chef de la diplomatie irakienne Ibrahim al-Jaafari a ainsi affirmé mercredi à Téhéran que l’Irak, «qui a de bonnes relations avec l’Iran et les pays arabes», travaillait à faire baisser les tensions entre Ryad et Téhéran afin de ne «pas entraîner la région dans une guerre qui ne pourrait pas avoir de vainqueur». «Nous devons rechercher l’unité», a-t-il déclaré.

AFP/M.R.

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